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Feintisti
Inscrit le: 09 Oct 2005 Messages: 1591 Lieu: Liège, Belgique
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écrit le Monday 02 Jul 12, 11:18 |
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Je me suis rendu compte d'une particularité frioulane qui se retrouvait aussi en roumain.
Petit rappel :
Le frioulan possède deux genres, le masculin et le féminin.
Au singulier, le masculin termine en consonne ou en -i et le féminin termine en -e (et parfois en consonne).*
Le pluriel régulier se forme par l'ajout d'un -s (et le -e féminin se change alors en -is).
* Certains dialectes ont -a pour le féminin, voire -o.
Cependant, un nombre limité de noms/adjectifs masculins terminant en -t ou -nt ont un pluriel en -cj (prononcé comme un t palatalisé [c]) :
dut > ducj (tout > tous)
tant > tancj ((au)tant)
cuant > cuancj (combien de)
Tous les noms masculins en -st subissent ce changement :
chest > chescj (ce(lui))
puest > puescj (lieu)
trist > triscj (triste)
Une autre palatalisation se produit avec les noms masculins en -l et presque tous ceux en -li, qui disparaissent pour un simple -i [j] :
cjaval > cjavai (cheval > chevaux)
voli > voi (oeil > yeux)
singul > singui (seul(s))
gjal > gjai (coq(s))
Selon moi, on peut comparer ce phénomène avec la plurialisation masculine du roumain :
tot > toţi (tout/s)
cât > câţi (combien de)
acest > aceşti (celui/ceux)
trist > trişti
cal > cai (cheval/ux)
Un bon nombre de pluriels masculins en roumain se forment par l'ajout d'un -i, qui en fait se prononce comme une "mouillure" de la consonne précédente ou un [j], et non comme un [i]. Il arrive que la consonne précédente change également d'articulation en plus de cette mouillure (par l'ajout d'une cédille) ou disparaisse (le L).
Les -ti et -ţi roumains doivent avoir une prononciation similaire à celle du -cj frioulan. |
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Feintisti
Inscrit le: 09 Oct 2005 Messages: 1591 Lieu: Liège, Belgique
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écrit le Wednesday 14 May 14, 21:52 |
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Je me suis renseigné sur le ladin (qui est parlé sur un territoire entre celui du romanche et du frioulan), et j'ai vu que le même phénomène se produisait pour le pluriel (ce qui n'est pas le cas en romanche, où l'on ajoute partout un -s) :
dut > duc (tout > tous)
tant > tenc ((au)tant/combien de)
chest > chisc (ce(lui))
post > posć (lieu)
trist > trisć (triste)
ciaval > ciavai (cheval > chevaux)
soul > soi (seul(s))
gial > giai (coq(s))
(Source: Je ne sais pas si "sc" se lit comme "sć", mais je pense que oui)
EDIT: -c se prononce tch, -sć se prononce stch
À ce propos, je pense que le ladin se rapproche de ce à quoi ressemblerait (ou a ressemblé) le romanche sans l'influence suisse allemande et le frioulan sans son influence vénitienne.
Cela dit, j'ai remarqué que le frioulan avait une évolution phonétique propre (je compare ici ladin et frioulan) :
- E > A devant R ou un L (caractéristique que j'ai trouvée aussi en romanche sutsilvan)
el > al (= il)
per > par (= pour/par)
- E > I si atone ou dans d'autres cas
pare > pari (= père)
-es (pluriel féminin) > -is
- E > IE si tonique
bel > biel (= beau)
- O > UE dans plusieurs mots, et ensuite UA / UI dans les cas précédents
posse > pues (= [je] peux)
port > puart (= port)
pont > puint (= pont)
- O > Û (parfois)
sor > sûr (= soeur)
- L mouillé > I ou L selon les cas (gardé en romanche)
soreie (ladin) / sulegl (romanche) > soreli (frioulan) (= soleil)
- absence de sons Ü et Ö, contrairement à certains dialectes romanches et ladins
plü (dialectes romanches et ladins) = plui (frioulan) (= plus)
- finales verbales -ER atones changées en -I
morder > muardi (= mordre)
Certains mots semblent aussi propres au frioulan :
- fevelâ (les autres ont: pledar, raschunar/rejonèr, parlèr...) = parler (du latin fabulare)
EDIT: Mais "langue" peut se dire "favella" en romanche plus littéraire; et "parler" se dit "fauelà" en tergestino (langue éteinte rhéto-romane de Trieste).
- cemûd (les autres ont: co) = comment (du latin quo modo) (en fait, j'ai trouvé "cemodo" en ladin d'Ampezzo)
- crot (nut en ladin) = nu (aucune idée de l'origine... peut-être "crudo e nudo", cru et nu)
- lâ (les autres ont "ir" ou un dérivé) = aller (même racine latine qu'en français ambulare)
- frut (les autres ont: pop, uffant...) = enfant (sans doute de fructus, puisque "fruit" est traduit par "pome")
- olsâ (les autres ont des synonymes: ristgar/risièr [riscjâ = risquer], fidà/fidèr [fidâ = fier, confier]...) = oser (bas latin ausare comme en français)
- salacôr (les autres ont "fosc/forsci, forsa...") = peut-être (probablement de "s'al à cûr" = il a du coeur/si le coeur...)
Dernière édition par Feintisti le Saturday 20 Sep 14, 22:18; édité 1 fois |
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Feintisti
Inscrit le: 09 Oct 2005 Messages: 1591 Lieu: Liège, Belgique
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écrit le Sunday 29 Jun 14, 13:38 |
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Pour ceux que ça intéresse, j'ai trouvé des vidéos sur la culture et la langue frioulane :
- BLECS: une chaîne YouTube avec 24 courtes séquences présentant chacune trois phrases de base en frioulan, répétées et traduites en italien ou anglais (chaque vidéo est en double). Les vidéos sont produites par le site friulinelmondo.com qui répertorie les associations frioulanes du monde. Le mot "blec" signifie "morceau, fragment". Très utile pour commencer !
- Farcadice: Cinq récits de voyage touchants en Argentine (Colonia Caroya), dans les mines de Belgique (Charleroi), en Afrique du Sud (Umkomaas), au Canada (Toronto) ou encore en Italie même, racontés par les migrants ou leurs descendants en frioulan. On y montre un attachement aux origines, mais aussi des histoires d'intégrations très différentes, notamment au Canada où l'on encourage les migrants à célébrer leur culture dans une sorte de mosaïque cosmopolite. |
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