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Dyonisos
Inscrit le: 23 Jan 2008 Messages: 68 Lieu: Bambiderstroff (Moselle)
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écrit le Thursday 08 Feb 18, 18:37 |
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Chers amis,
je me souviens d'avoir entendu deux professeurs d'italien discuter, l'un des deux feuilletant un livre :
- Sfogliasti ?
- Si, sfogliai.
Je leur ai alors demandé pourquoi ils conversaient au passé simple et ils me répondirent que c'était une <<habitude>> dans leur Mezzogiorno et que, d'ailleurs, à l'époque romaine, on écrivait les lettres au passé (tibi scripsi, etc.) pour tenir compte des délais d'acheminement (c'est vrai, une tablette en marbre de Carrare devait faire le poids d'un âne mort).
Quelqu'un en sait plus sur ce point (sur le passé simple, pas sur le marbre de Carrare) ?
Merci et bien cordialement, Dyonisos |
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AdM Animateur
Inscrit le: 13 Dec 2006 Messages: 897 Lieu: L-l-N (Belgique)
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écrit le Thursday 08 Feb 18, 21:57 |
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On en trouve trace dans l'écriture de Camilleri (les aventures du commissaire Montalbano).
Voici ce qu'en dit son traducteur, Serge Quadruppani :
Citation: | […] Cependant la sicilianité de Camilleri ne s’exprime pas seulement par le vocabulaire, elle passe aussi à travers une syntaxe. Ce qui est ici beaucoup plus facile à rendre. Siciliano sono, “ Sicilien je suis ” : on trouvera beaucoup dans le cours du texte camillerien, adaptée au corset du français, cette tournure de la langue parlée, et dont le traducteur s’arrange de façon qu’à la fin le verbe se retrouve. De même ai-je conservé l’emploi du passé simple, là où l’italien (et le français) recourrait au présent ou au passé composé : Chi successi ? “ Que se passa-t-il ? ” demande l’homme de la rue vigataise (au lieu de “ que se passe-t-il ?). Point de pittoresque superficiel là-dedans. Ce passé simple qui, ailleurs, appartient à la langue écrite trahit une emphase lyrique présente dans le moindre échange langagier du peuple de Sicile. […]
Source : http://quadruppani.samizdat.net/spip.php?article15 |
[Message édité pour mieux souligner les passages les plus parlants.]
Dernière édition par AdM le Saturday 10 Feb 18, 6:13; édité 2 fois |
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Francesco
Inscrit le: 04 May 2010 Messages: 126 Lieu: Piémont
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écrit le Friday 09 Feb 18, 17:44 |
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En Italie si vous entendez quelqu'un utiliser le passé simple dans la langue parlée, vous comprenez immédiatement sa provenance régionale (sud).
Dans le Nord, il n'est pas utilisé même quand il serait correct, voire recommandé... |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10945 Lieu: Lyon
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écrit le Friday 09 Feb 18, 21:22 |
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Si j'ai bien compris le propos de Dyonisos, il ne parle pas du passé simple en italien en général -dans le cas qu'il donne- tel qu'il est employé en espagnol par exemple, mais tel qu'on l'emploie en tant que présent transformé en passé simple et tel qu'il sera perçu et reçu à l'arrivée. |
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Dyonisos
Inscrit le: 23 Jan 2008 Messages: 68 Lieu: Bambiderstroff (Moselle)
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écrit le Friday 09 Feb 18, 22:57 |
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Bonsoir José, oui, exactement, il s'agissait d'un passé simple à valeur de présent ! |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11181 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Friday 09 Feb 18, 23:50 |
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À vous lire je crois comprendre que ce "passé simple" de l'italien du sud est en fait une trace de l'aspect accompli remontant à une époque de l'indoeuropéen où les temps grammaticaux n'existaient pas mais seulement les aspects accompli et inaccompli. Je suis prêt à parier que, pour qu'on comprenne qu'il s'agit plutôt d'un passé, il faut absolument l'accompagner d'un marqueur temporel. C'est un peu comme la différence qu'il y a en français entre ces deux énoncés :
La marquise est sortie. (Son état présent est d'être sortie, d'être ailleurs qu'ici).
La marquise est sortie à cinq heures. (Son action de sortir a eu lieu dans le passé.)
Dans les deux cas, on utilise un temps appelé le passé composé, mais on voit bien par le contexte qu'il n'a pas la même valeur dans les deux énoncés.
Le passé composé fut justement inventé pour reprendre à son compte la valeur aspectuelle perdue par le passé simple au profit de sa valeur temporelle.
C'est encore très clair en anglais où la répartition des rôles entre les bien nommés preterit (passé) et present perfect (accompli) est rigoureuse et respectée.
Je me trompe ou c'est quelque chose comme ça ?
J'ai complètement oublié le fonctionnement du système verbal grec. Peut-être que quelqu'un pourra nous dire si ce vestige date éventuellement de l'époque où on parlait grec dans cette partie de la péninsule justement appelée la Grande Grèce. |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3866 Lieu: Paris
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11181 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 10 Feb 18, 9:59 |
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J'ai bien compris, je n'ai pas été suffisamment clair ? J'essaie de reformuler. En arabisant, tu vas comprendre.
Je crois savoir que ces temps que nous appelons "passé simple" et que les anglais appellent "prétérit" sont les descendants d'une forme qui exprimait l'aspect accompli. (Tu remarqueras que le "mâDi" arabe signifie passé mais est traduit par accompli par les orientalistes. C'est significatif.)
La création des formes composées (en français et en anglais) est due à la perte de cette fonction aspectuelle au profit de l'expression temporelle du passé.
De même, la création des formes surcomposées (en français) est due à la perte partielle par le passé composé de cette fonction aspectuelle d'accompli au profit de l'expression temporelle du passé. (d'où Elle est sortie à cinq heures qui se dit encore en anglais She left at five.) |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3866 Lieu: Paris
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écrit le Saturday 10 Feb 18, 11:53 |
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Je ne sais pas si j'ai compris, mais ta remarque ne me semble pas spécifique à l'italien et s'applique aussi bien au français. Je pensais à l'origine que tu visais un phénomène purement italien. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11181 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 10 Feb 18, 12:08 |
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L'intérêt de cet italien du sud serait, si j'ai bien compris, que ce "temps" a conservé cette valeur aspectuelle que notre passé simple a définitivement perdue. C'est ce qui lui permettrait de passer pour un présent. Car effectivement, un accompli du présent est temporellement un présent. Je sais, ce n'est pas forcément facile à comprendre quand on n'a pas appris à l'école à penser en termes d'aspects. Je crois qu'on commence à introduire la notion dans les grammaires scolaires, mais je n'en suis pas sûr. Peut-être qu'un professeur des écoles pourra nous le dire. |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3866 Lieu: Paris
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écrit le Saturday 10 Feb 18, 13:00 |
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Ce qui ne me paraît pas clair, c'est l'exemple donné par Dyonisos en premier :
- Sfogliasti ?
- Si, sfogliai.
avec un sens de présent, si j'ai bien compris. Est-ce que tu es en train de feuilleter ?
De tout ce que je lis sur l'emploi fréquent du "passato remoto" dans le Sud de l'Italie, il équivaut plutôt au "passato prossimo" mais pas au présent. Certes le passage du traducteur de Camilleri parle du présent, mais dans l'exemple donné (Chi successi ? “ Que se passa-t-il ? ” demande l’homme de la rue vigataise (au lieu de “ que se passe-t-il ?)), on pourrait très bien je crois avoir le passé composé "Qu'est-ce qui s'est passé ?". |
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Dyonisos
Inscrit le: 23 Jan 2008 Messages: 68 Lieu: Bambiderstroff (Moselle)
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écrit le Saturday 10 Feb 18, 14:54 |
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Bonjour, Embatérienne : je confirme, il tenait le livre en main (un specimen de manuel de cours) et était en train de le sfogliare. |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3866 Lieu: Paris
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écrit le Saturday 10 Feb 18, 15:17 |
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Voilà, c'est pourquoi je suis étonné : un prétérit/accompli/passato remoto semble être utilisé pour véhiculer un aspect inaccompli (je suis en train de...). |
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AdM Animateur
Inscrit le: 13 Dec 2006 Messages: 897 Lieu: L-l-N (Belgique)
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écrit le Saturday 10 Feb 18, 16:17 |
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Un autre exemple de passé simple/présent pris dans Un été ardent de Camilleri (Pocket) :
Citation: | « — Dottore, vosseigneurie doit me pardonner, mais, moi, j'y crus pas.
— Qu'est-ce que tu ne crois pas ? » (p.70)
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11181 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 10 Feb 18, 18:36 |
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J'essaie de comprendre : quand on dit "je suis en train de faire X", cela veut dire que l'action a commencé depuis un certain temps, et qu'une partie en est déjà passée ou accomplie. D'où, peut-être, l'emploi de cette forme.
Ce qu'il faudrait savoir c'est en quelles circonstances l'italien du sud emploie le présent, qui doit bien exister, je suppose.
Il y a de grands linguistes en Italie. Ce point a dû être étudié et éclairci par l'un d'eux. Personne n'a accès à une grammaire de l'italien du sud ?
Excusez-moi d'insister mais si mon hypothèse s'avérait exacte, on aurait là, en Italie du sud, un vestige d'une époque remontant à quelques bons siècles avant JC. Ce n'est pas anodin !
À moins que ce ne soit tout simplement une trace du grec... |
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