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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
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écrit le Friday 05 Apr 19, 17:37 |
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Par baiser, j'entends ici uniquement le substantif masculin qui décrit l'acte de poser ses lèvres, que ce soit sur la Sainte Bible ou sur une partie d'un corps, plus ou moins charmante.
Ce nom, baiser, m'intrigue, car il est un des exemples de forme infinitive d'un verbe (i.e. baiser < lat. basiare) qui ait sa pleine valeur de substantif sans avoir besoin de figurer dans une subordonnée infinitive. C'est le cas aussi du boire, du manger, du coucher et de quelques autres.
Bien sûr, il en est de même en anglais où a kiss est autonome par rapport à to kiss, mais c'est un trait banal de la langue anglaise (a jump / to jump, etc.). Et, autant que je sache, les autres langues latines ni germaniques ne présentent pas cette substantivation d'un verbe pour décrire cet acte.
En revanche, le fait se constate partiellement en grec moderne où το φιλί [filí] « le baiser » est donné comme issu de l'infinitif ancien φίλειν [fílēn] « aimer » (mais on notera un déplacement de l'accent).
Outre de se demander si d'autres langues en témoignent (chinois ?), je m'interroge sur ce qui, dans le sémantisme de la chose, affaiblit la distinction des catégories du nom et du verbe … |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11234 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Friday 05 Apr 19, 18:25 |
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Je hasarde une explication.
Du neutre bāsium le DELL nous dit "usité surtout au pluriel", soit bāsia.
Comme cela est arrivé maintes fois, au fil des siècles, ce neutre pluriel aura été pris pour un féminin singulier.
Il semble raisonnable de penser que le mot ait abouti au nom français féminin baise.
On a donc dû avoir en même temps le verbe baiser (ou des variantes) et le nom féminin baise.
Mais bāsium avait déjà un sens érotique (dixit le DELL) qui a dû se transmettre à baise.
Au point qu'il est vite devenu impossible d'utiliser ce mot avec son sens premier, et qu'il a fallu lui trouver un substitut.
L'infinitif baiser a fait l'affaire. Finie l'ambigüité par les noms. Il ne restait plus qu'à retirer au verbe son sens premier.
Résultat des courses :
Sens premier : le nom est un baiser, le verbe est la locution verbale déposer un baiser
Sens second (érotique) : le nom est la baise et le verbe est baiser. |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
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écrit le Friday 05 Apr 19, 18:40 |
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Ce n'est pas impossible mais j'en doute pour deux raisons.
• ça laisse de côté le boire, le manger, le coucher ;
• ça manque de la moindre attestation littéraire.
De plus, l'ambiguïté du verbe baiser était, encore et déjà, prétexte à plaisanterie chez Molière (baiserai-je ?). C'est pour cela que j'avais commencé par exclure ce verbe de mon propos. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11234 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Friday 05 Apr 19, 19:12 |
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Outis a écrit: | • ça laisse de côté le boire, le manger, le coucher ; |
Je ne vois pas le rapport. Si c'est l'infinitif utilisé comme nom, c'est aussi banal en français qu'en anglais (infinitif ou forme en -ing), ou qu'en espagnol avec son faux participe passé (comida, bebida, puesta del sol) que je suppose issu du supin (cf. copier-coller). Autres exemples : le pouvoir, le savoir, un dire, un parler, des vivres, un lancer, le rire, un sourire, un être, un avoir...
Outis a écrit: | • ça manque de la moindre attestation littéraire. |
Ce n'est pas très surprenant. Que reste-t-il de la littérature érotique écrite en ancien français, si tant est qu'il y en eut une ? Mais Embatérienne va nous en dénicher...
Edit (6/04) : De toutes façons, l'usage actuel en Belgique du mot baise dans le sens de baiser vaut toutes les attestations littéraires.
Outis a écrit: | De plus, l'ambiguïté du verbe baiser était, encore et déjà, prétexte à plaisanterie chez Molière (baiserai-je ?). C'est pour cela que j'avais commencé par exclure ce verbe de mon propos. |
Je doute qu'on puisse extraire le nom baiser de sa petite famille si l'on veut comprendre ses dérivations sémantiques : les formes baise et baiser (verbe et nom) sont évidemment solidaires, dans les divers sens qu'elles ont pu avoir et qu'elles ont.
J'ai bien dit que je hasardais une explication. Place à d'autres.
Je viens de lire qu'en Belgique un baiser se dit aussi une baise. Qu'est-ce qu'on ferait sans les Belges ! (Et sans le Larousse...)
Dernière édition par Papou JC le Saturday 06 Apr 19, 9:31; édité 1 fois |
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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3676 Lieu: Massalia
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écrit le Friday 05 Apr 19, 22:12 |
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En allemand, tout verbe peut être substantivé.
Mais on distinguera entre das Küssen ( L'action de donner un baiser d'embrasser) et der Kuss qui est le résultat, le baiser lui-même.. |
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Xavier Animateur

Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Friday 05 Apr 19, 22:53 |
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En français aussi : on a baisement et baiser. Baisement n'est guère utilisé, sauf dans certaines expressions concernant des rites, comme le baisement des pieds.
Est-ce que l'allemand est plus utilisé ? |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11234 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Friday 05 Apr 19, 23:11 |
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Outis a écrit: | ... ce qui affaiblit la distinction des catégories du nom et du verbe |
Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris le sens de cette phrase. À mes yeux, rien n'affaiblit jamais cette distinction : un verbe se conjugue et un nom se détermine. Toute forme conjuguée ou conjugable est donc un verbe, et toute forme déterminée (par un déterminant quelconque) est donc un nom. La distinction reste claire et forte. Il n'y a pas d'affaiblissement, il y a simplement un nom verbal qui se trouve avoir la même forme que l'infinitif du verbe (mais qui a souvent une autre forme dans d'autres langues). En latin ce rôle était dévolu au supin.
Le sémantisme du verbe ne joue aucun rôle dans cette opération comme on peut le constater par les divers exemples que j'ai donnés.
Mais encore une fois, peut-être n'ai-je pas bien compris ce sur quoi Outis s'interroge. |
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AdM Animateur
Inscrit le: 13 Dec 2006 Messages: 901 Lieu: L-l-N (Belgique)
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écrit le Saturday 06 Apr 19, 2:14 |
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Papou JC a écrit: | Du neutre bāsium le DELL nous dit "usité surtout au pluriel", soit bāsia.
[…]
Il semble raisonnable de penser que le mot ait abouti au nom français féminin baise.
¡…]
Mais bāsium avait déjà un sens érotique (dixit le DELL) qui a dû se transmettre à baise.
Au point qu'il est vite devenu impossible d'utiliser ce mot avec son sens premier, et qu'il a fallu lui trouver un substitut. |
Papou JC a écrit: | Je viens de lire qu'en Belgique un baiser se dit aussi une baise. Qu'est-ce qu'on ferait sans les Belges ! |
Julos avait bien raison de dire que le wallon était le latin venu à pied du fond des âges !…
De fait, on n'est pas vraiment gênés de cette ambiguïté de sens (mais il me semble clair que nous sommes conscients du caractère « local » de cet emploi).
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Xavier a écrit: | En français aussi : on a baisement et baiser. | En wallon, on dira « *baisage » pour l'action et « baise » pour le fait. Et « baiser » pour le verbe.
Diner ine båhe (n.), båhî (v.), donner un baiser (une baise).
Un dicton liégeois prône que : On båhèdge, c'èst-on rhorbèdge, « un baisage n'est qu'un ressuyage ».
Ça se dit quand on veut se débarrasser d'un baiser volé ou trop collant, en joignant éventuellement le geste à la parole en frottant sa joue pour le faire s'en aller. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11234 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 06 Apr 19, 9:37 |
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Comme je l'ai rajouté plus haut, je crois que l'usage actuel du mot baise en Belgique vaut toutes les attestations littéraires franco-françaises et renforce d'autant mon hypothèse. (Ce qui, en passant, évitera à Embatérienne d'inutiles et peut-être vaines recherches.) |
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András Animateur
Inscrit le: 20 Nov 2006 Messages: 1488 Lieu: Timişoara, Roumanie
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écrit le Saturday 06 Apr 19, 10:07 |
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En roumain, l'infinitif latin à la terminaison inchangée est devenu systématiquement nom de l'action et/ou du résultat de l'action. En même temps, l'infinitif roumain résulte de la chute du -re de l'infinitif latin. Ainsi, lat. salutare a donné l'infinitif săruta « embrasser » et le nom féminin sărutare « baiser », en concurrence avec le dérivé régressif nom neutre sărut. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11234 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 06 Apr 19, 10:11 |
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Et y a-t-il en roumain une trace du bāsium latin ou de son dérivé verbal bāsiāre ?
En attendant la réponse d'Andràs, un petit détour vers les synonymes latins de bāsium : osculum et savium. Dans un degré croissant d'intensité, il semble que osculum soit le plus chaste et savium le plus voluptueux ; bāsium se situant donc quelque part entre les deux ou étant leur hyperonyme. Je laisse des latinistes nous en dire plus, contextes à l'appui. |
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Moutik Animateur
Inscrit le: 06 Apr 2008 Messages: 1236
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écrit le Saturday 06 Apr 19, 12:13 |
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@Outis
Le cas de baiser (v.) et du baiser (n.) me semble assez différent du cas de manger (v.) et du manger (n.)
Et de boire / du boire, de dormir / du dormir, de coucher / du coucher. Etc.
Le manger désigne tout ce qui se rapporte à l’action de manger, ou toutes les fournitures nécessaires au repas :
Nous apporterons le boire et le manger.
Avez-vous tout prévu pour le coucher ?
Un baiser désigne une action précise, individualisable, et dénombrable :
Le soir elle me donnait trois baisers, un sur la joue, un sur le front, enfin un dernier sur l’autre joue.
Manger (n.) ne se mettrait au pluriel qu’en tordant un peu la langue :
Les mangers portugais et espagnol se ressemblent parfois, mais souvent diffèrent.
Le cas d’autres verbes serait beaucoup plus proche du cas de baiser :
baisser, le baisser de rideau,
souper, le souper du roi,
dîner, un dîner de roi,
parler, le parler de Mende,
lâcher, un lâcher de pigeons,
etc.
Et je crois que la « subordonnée infinitive » n’a pas grand-chose à faire dans cette affaire… |
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Moutik Animateur
Inscrit le: 06 Apr 2008 Messages: 1236
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écrit le Saturday 06 Apr 19, 12:17 |
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Papou JC a écrit: | un verbe se conjugue et un nom se détermine |
Je pense que cet argument est un peu spécieux.
Dans de nombreuses langues le nom se décline comme le verbe se conjugue.
Les deux se fléchissent.
Il est certaines langues, comme le latin, qui n’ont pas d’article.
Et les verbes ont des adverbes, comme les noms ont des adjectifs.
Les deux peuvent être considérer comme des déterminants.
L’opposition doit être fondée autrement. |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10941 Lieu: Lyon
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écrit le Saturday 06 Apr 19, 12:38 |
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Papou JC a écrit: | De toutes façons, l'usage actuel en Belgique du mot baise dans le sens de baiser vaut toutes les attestations littéraires.
(...)
Je viens de lire qu'en Belgique un baiser se dit aussi une baise. Qu'est-ce qu'on ferait sans les Belges ! (Et sans le Larousse...) |
Pas besoin de sortir de Babel :
- En Wallonie on dit une baise pour une bise. (Maisse Arsouye)
Lire le Fil Les baises de l'anniversaire (Wallonie). |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11234 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 06 Apr 19, 12:42 |
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Moutik, Je ne crois pas que mon argument soit spécieux. Mais aller plus loin là-dessus nous ferait entamer un hors-sujet. J'y reviendrais volontiers dans un fil ad hoc si ça t'intéresse. |
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