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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11204 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Monday 22 Nov 21, 17:42 |
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Alain a écrit: | Le lien sémantique entre "attacher, lier, etc." et "maîtrise de soi" apparaît dans le mot sanskrit saṃyamin [agt. saṃyam] a. m. n. f. saṃyaminī « qui a des liens ; qui se discipline / qui a dompté ses sens ; maître de soi » (Gérard Huet, Dictionnaire sanskrit-français, 2021)
Sanskrit saṃyam [sam-yam] v. [1] pr. (saṃyacchati) pp. (saṃyata) "retenir, refréner, réprimer, maîtriser ; attacher, enchaîner". |
C'est à peu près l'explication que donne Michel Masson dans son article : "La sagesse (l'intelligence, etc.) est comprise comme la force qui bride, retient, contrôle l'agitation ou l'indolence de l'esprit." |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11204 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Monday 22 Nov 21, 17:49 |
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Alain a écrit: | l'espagnol emploie également le verbe acordarse de qui signifie "se souvenir de", et qui serait issu du lat. *accordāre, dérivé de cŏr, cordis "coeur" selon le DRAE. |
En anglais, for the record = pour mémoire.
ETYMONLINE : From Latin recordari "remember, call to mind, think over, be mindful of," from re-, here probably with a sense of "restore" (see re-), + cor (genitive cordis) "heart" (the metaphoric seat of memory, as in learn by heart), from PIE root *kerd- "heart." |
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Cligès
Inscrit le: 18 Jul 2019 Messages: 898 Lieu: Pays de Loire
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écrit le Monday 22 Nov 21, 19:03 |
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Dans la culture littéraire médiévale "française" et occitane, le cuer s'oppose fréquemment au sens (action sensée, raison) ou au panser ; ce qui ne veut évidemment pas dire qu'il ne soit pas capable d'une connaissance intime et profonde, mais qui s'oppose justement à la superficialité de l'intellect, plus sensible au mot qu'à la chose.
On sent dans ce passage les prémices de l'Humanisme :
[...] or escotez !
cuers et oroilles m'aportez,
car parole est tote perdue
s'ele n'est de cuer entendue.
CdT, Chevalier au Lion, v. 149-152 (Champion).
Par contre, je ne peux pas me prononcer en ce qui concerne l'espagnol. |
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Alain
Inscrit le: 16 Nov 2021 Messages: 27 Lieu: Provence
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écrit le Friday 26 Nov 21, 20:41 |
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Cligès a écrit: |
Par contre, je ne peux pas me prononcer en ce qui concerne l'espagnol. |
On retrouve effectivement un thème identique chez le poète espagnol Alonso de Berceo (XIIIe s.) :
Dijieron: Ensayémoslo, veremos qué tenemos,
cuando lo entendiéremos más seguros seremos,
ca diz la escriptura, e leerlo solemos,
que oímos la lengua mas el cuer non sabemos.
La vida de Santo Domingo de Silos, Libro I, copla 95
Le dernier vers de la strophe signifie que « nous entendons la langue, mais nous ne savons pas l’entendre avec le coeur » (traduction approximative).
Berceo se réfère aux Saintes Ecritures en des termes proches de la source latine du Répertoire Grégorien:
homo videt in facie Deus autem in corde
(« l’homme voit sur le visage, mais Dieu, dans le cœur »).
N’étant pas spécialiste de la littérature médiévale espagnole, j’ai pu néanmoins mettre la main sur la strophe de Berceo en parcourant toutes les entrées du mot cuer (« coeur ») dans la langue espagnole médiévale grâce au très précieux Diccionario Histórico de la Lengua Española en ligne : https://apps.rae.es/CNDHE/org/publico/pages/consulta/entradaCompleja.view |
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Cligès
Inscrit le: 18 Jul 2019 Messages: 898 Lieu: Pays de Loire
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écrit le Friday 26 Nov 21, 21:34 |
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Merci beaucoup.
Oui, ce "lieu commun" prend une bonne partie de sa source dans la religion chrétienne. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11204 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Friday 26 Nov 21, 23:15 |
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Alain a écrit: | que oímos la lengua mas el cuer non sabemos.
Le dernier vers de la strophe signifie que « nous entendons la langue, mais nous ne savons pas l’entendre avec le coeur » (traduction approximative). |
Je ne partage pas votre interprétation. À mon avis, l'auteur veut simplement dire que les paroles d'un homme sont une chose, et que ses sentiments et pensées secrètes en sont une autre. Le coeur n'est pas là le siège de la raison, il n'est que le lieu des sentiments. |
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Alain
Inscrit le: 16 Nov 2021 Messages: 27 Lieu: Provence
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écrit le Saturday 27 Nov 21, 6:42 |
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Papou JC a écrit: | Alain a écrit: | que oímos la lengua mas el cuer non sabemos.
Le dernier vers de la strophe signifie que « nous entendons la langue, mais nous ne savons pas l’entendre avec le coeur » (traduction approximative). |
Je ne partage pas votre interprétation. À mon avis, l'auteur veut simplement dire que les paroles d'un homme sont une chose, et que ses sentiments et pensées secrètes en sont une autre. Le coeur n'est pas là le siège de la raison, il n'est que le lieu des sentiments. |
Votre interprétation est tout à fait éclairante et convaincante; c'est parce que l'abbé du monastère ne peut connaître les vrais sentiments et pensées du nouveau frère Domingo, qu'il décide de le tester (ensayarle). |
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