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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3674 Lieu: Massalia
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écrit le Wednesday 18 Jul 12, 0:02 |
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Ah, je comprends mieux.
Effectivement, en yiddish, on appelle taytsh-loshn ou ivre-taytsh ou même ivre-taytsh-loshn ce type de traduction du Tanakh. Mais en aucun cas, il ne s'agit au fond d'une langue artificielle. Ces termes signalent simplement qu'on a, à l'époque, traduit de la langue sacrée, l'hébreu, en taytsh ( allemand , tel qu'il était parlé par la communauté juive) De telles traductions sont très anciennes, elles sont attestées dès les XVI et XVII ème siècles, peut-être avant.
Comme il s'agissait de rester le plus possible fidèle au texte sacré, ces traductions sont littérales, dans un style poétique ressemblant au texte original. Si bien que la syntaxe n'est pas toujours celle qui était utilisée à l'oral.
Cela montre que pendant longtemps cette communauté-même a considéré son propre parler comme une variante de l'allemand ( taytsh).
Quant à ce style particulier, on ne considère pas qu'il est hors de la langue yiddish, il en est seulement un registre particulier, figé et daté. Il s'est tellement figé, cependant que la langue, elle, continuait d'évoluer, que ces traductions ont fini par devenir en partie hermétiques aux locuteurs et qu'il a fallu les interpréter. C'est ainsi que le verbe fartaytshn qui signifiait au départ, traduire en allemand a connu un changement de sens. En yiddish moderne, fartaytshn signifie interpréter .
Ne connaissant pas bien l'espagnol , encore moins le judéo-espagnol, il m'est impossible de dire si le procédé est exactement le même. Ce qui est comparable, c'est qu'on ait traduit les textes religieux afin que tous puissent les comprendre.
Mais je ne sais pourquoi ce terme ladino a été choisi. D'autre part, ce qui n'appartient qu'à cette langue, c'est le fait que les gens aient, pour une partie de ces communautés, adopté ce terme pour désigner leur langue vernaculaire; Alors qu'en yiddish, les termes précités, taytsh-loshn , p.ex , restent limités à ces traductions et ne désignent rien d'autre.
Si tu parles le judesmo , n'hésite pas à apporter tes contributions aux différents fils. |
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Breoghan
Inscrit le: 20 Dec 2015 Messages: 96 Lieu: France, Galice (Espagne)
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écrit le Sunday 29 Apr 18, 2:59 |
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Citation: | je ne sais pourquoi ce terme ladino a été choisi | Selon Ethnologue, Languages of the World :
- ladino est utilisé par les non-spécialistes, surtout en Israël ;
- djudezmo (aussi écrit judesmo) par les Juifs de Turquie et par les linguistes juifs ;
- judéo-espagnol par les philologues des langues romanes ;
- hakitia par les Juifs du Maroc ;
- il y a aussi spanyol, utilisé par certains locuteurs.
Le terme ladino n'a pas encore gagné la bataille pour s'imposer en seul dénomination, même s'il est extrêmement répandu.
Pour l'origine du terme on peut supposer une parenté avec l'ancien verbe ladinar, dont le sens est traduire vers le latin. L'utilisation la plus stricte ou puriste du terme ladino se réfère à traduction (littérale aussi) des textes sacrés hébreux à l'espagnol médiéval.
Pourquoi est-il plus répandu ? Il est peut-être plus simple, neutre, et original (pas de confusions possibles avec le castillan moderne contrairement à spanyol ; et puis judesmo - ou djudyo aussi - veut tout simplement dire juif) |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10941 Lieu: Lyon
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écrit le Sunday 29 Apr 18, 17:21 |
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Breoghan a écrit: | hakitia par les Juifs du Maroc |
Quelle est l'étymologie de hakitia ? |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3883 Lieu: Paris
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écrit le Sunday 29 Apr 18, 19:07 |
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Citation: | La haketia, langue vernaculaire juive, tire son nom d'un terme arabe, ħaka حكى, qui signifie « dire » ou « raconter ». La diversité des orthographes rencontrées pour transcrire le nom de ce dialecte procède d'une part de l'oralité de ce langage, et d'autre part de la difficulté à transcrire en français le phonème /h/ (het hébraïque ou Ḥā arabe) en début de mot. |
https://fr.wikipedia.org/wiki/Haketia |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Sunday 29 Apr 18, 22:17 |
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Je ne suis pas arabisant, mais ce qu'écrit wikipedia est très approximatif. Il me semble bien que le arabe Ḥā n'est pas un /h/, mais un /ħ/.
Sinon, j'ai essayé de faire écouter un extrait de judéo-espagnol à un locuteur naturel du castillan natif du Vénézuela :
https://www.youtube.com/watch?v=kiTo9IVgnnc
J'attribuais mon incapacité à comprendre cet extrait d'une locutrice salonicienne à mon niveau d'espagnol somme toute assez moyen. Mais comme moi, le Vénézuelien ne comprenait que quelques bribes (karnesero, el mio papa...). En revanche, une émission de radio de La Voz de Israel lui était très compréhensible et il n'était choqué que par l'accentuation de Israel sur l'avant-dernière syllabe au lieu de la dernière. Je suppose que ceci est dû à une standardisation sur un modèle castillan plus prononcée chez les jeunes, probablement néo-locuteurs, qui parlent à La Voz de Israel. |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3883 Lieu: Paris
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écrit le Sunday 29 Apr 18, 23:19 |
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Jeannotin a écrit: | Je ne suis pas arabisant, mais ce qu'écrit wikipedia est très approximatif. Il me semble bien que le arabe Ḥā n'est pas un /h/, mais un /ħ/. |
Selon le système de translittération de Lexilogos, le verbe حكى est ḥakā , h avec un point souscrit ; la translittération de Wiki semble utiliser un h avec un macron. |
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Breoghan
Inscrit le: 20 Dec 2015 Messages: 96 Lieu: France, Galice (Espagne)
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écrit le Tuesday 08 May 18, 20:19 |
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Citation: | comme moi, le Vénézuélien ne comprenait que quelques bribes | Essayez de faire écouter de l'acadien ou même certains accents québécois à un français qui n'ait jamais écouter un autre accent que le celui à peu près standard de sa ville natale (pas d'accents régionaux marqués ou de diglossies dans l’équation) ; je suis sûr qu'il n'y comprendrais pas grand chose non plus (du moins pas avant la sixième tentative ). Et on retrouve le même phénomène avec les différentes variantes de l'espagnol : ça m'est arrivé avec l'andaluh les premières fois (point de vue d'un galicien bien sûr) et je connais aussi le cas d'un uruguayen et d'un cubains qui ont préféré se parler en anglais parce que l'uruguayen ne comprenait pas son interlocuteur ! Mais à la fin tout est question d'habitude et et on ne m'entendra jamais dire que l'andalous est une autre langue - ni le cubain - hors d'un contexte humoristique.
Pour ce qui est de la vidéo:
- Elle est décontextualisé : on ne connait pas les lieux géographiques qu'elle cite, a moins d'avoir connu la ville de Salonique de son temps. Le Varonish, le Khuego/u, etc... En plus ce que nous raconte cette femme s'inscrit dans une histoire plus longue ; la vidéo n'en est qu'un extrait.
- Il y a sûrement des mots grecs (comme eftikhós, qui veut dire heureusement)
- Des mots hébreux (normal, c'est des juifs). Peut-être plus dans le champ du sacré.
- Des mots turques (période ottomane non négligeable) comme zaraná (boucherie) dont on peut lire l'étymologie ici (page 6, note 4 en bas de page)
- On trouve aussi mots non castillans mais gallaïco-portuguais comme onde pour donde (=où).
- Pour finir, la prononciation est différente, et cela provoque ce que j'aime appeler un choc phonétique, qui peut momentanément nous faire perdre nos repaires linguistiques (discerner les mots peut alors devenir très compliqué).
Donc voici mon humble transcription.
"Onde nací... - onde nací ? al Khuego nací - estábamos côrriendo por el Khuego onde muzíamos(?) a posar ; no sabíamos ; y mos fuimos al varonish (bar Onish?). Al Varonish vivía (bebía?) la nona mía, la madre de mama la mía... ahí mos tomó.
Eftikhós que tenía una sofá e'a. Sofá ya sabes lo que es, no ? Es una udá (un audá?), aquí hay un pedaço grande, más alto. Ahí mos fizo cama(s), mos echimos todas ! Éramos cuatro hermanas, mama la mía, mi hermano, TODOS ; estábamos ahí. Nos tomó la nona mia, estuvimos ahí mucho tiempo.
Después mos fuimos a Morás, a las baracas de los carniceros. Papá el mío era carnicero, lavoraba (a/en) la zaraná. Y mos dieron... (partie incompréhensible). Todos morábamos ahí."
Note: elle prononce fuimos (nous allâmes) ['xwi.mos/z]. Elle utilise aussi des verbes italiens tel "lavorava" (=il travaillait) et muziamos (je crois que c'est italien mais je n'en connais pas le sens). Nona de l'italien nonna, grand-mère.
Dernière édition par Breoghan le Sunday 17 Feb 19, 3:35; édité 1 fois |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Sunday 13 May 18, 18:28 |
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Merci beaucoup pour ce beau travail de transcription. Est-ce plus facile pour un Galicien, dont la langue connaît les sons [ʃ] et [ʒ] ? Il est étonnant qu'elle dise fuimos ['xwi.mos/z], cela semble aller à l'encontre de ce qu'on croit savoir sur le [f] en judéo-espagnol, pourtant elle dit bien fizo "elle fit" (≠ castillan hizo). Mais je me demande si ce n'est pas juste le cluster [fw] qui est rejeté par ce dialecte. En breton, on observe dialectalement l'évolution inverse : xw > fw > f.
Voici ce que j'entends pour le passage que tu trouves incompréhensible :
Y mos dieron una baraca de caniceros. Y mos fuemos todos al Varonish, todos los carniceros pichune(s), de (?pedaran?) de pichón |
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Breoghan
Inscrit le: 20 Dec 2015 Messages: 96 Lieu: France, Galice (Espagne)
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écrit le Thursday 17 May 18, 21:44 |
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Le galicien ne connait pas le son [ʒ] (il s'est assourdit en [ʃ] de sorte qu'on dit xusto ['ʃusto] pour juste), mais vu que le français l'a, c'est en effet plus facile. Citation: | pour un Galicien, dont la langue(...) | On m'a élevé en français et en espagnol, pas en galicien. C'est une langue avec laquelle j'ai un contact (lorsque je suis en Galice), que je peux comprendre et même parler (pas sans quelques fautes). Par contre je ne suis pas un locuteur naturel/natif ; plutôt un locuteur passif ou maladroit. Citation: | cela semble aller à l'encontre de ce qu'on croit savoir sur le [f] en judéo-espagnol | Je crois que la prononciation du f- en ladino est assez aléatoire : certains disent avlar, d'autres favlar. Je viens même de trouver un cas très déconcertant : le rêve (en espagnol ensueño) est devenu /es'xwenjo/ et /es'fwenjo/ !
Cela peut nous donner un aperçu de la diversité dialectale du castillan à l'époque de l'expulsion des juifs.
On ne peut pas non plus oublier les influences probables du gallaïco-portugais, l'astur-léonais, l'aragonais, le catalan ou même le mozarabe. |
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Breoghan
Inscrit le: 20 Dec 2015 Messages: 96 Lieu: France, Galice (Espagne)
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Breoghan
Inscrit le: 20 Dec 2015 Messages: 96 Lieu: France, Galice (Espagne)
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écrit le Sunday 17 Feb 19, 5:45 |
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Citation: | Il est étonnant qu'elle dise fuimos ['xwi.mos/z], cela semble aller à l'encontre de ce qu'on croit savoir sur le [f] en judéo-espagnol | J'ai d'ailleurs trouvé un site qu'il s'occupait de la question de l’orthographe du ladino (le débat typique, étymologie-prononciation, dialectes-koinè) et voici ce qu'il disait su F et H. Lien Citation: | La graphie utilisée par “Aki Yerushalayim” a tendance à utiliser des formes sans [f] (exemple “ijo” et non “fijo”, fils). Cela provient de ce qu’elle est surtout basée sur les formes d’Istanbul, plus proches du castillan. Cependant, dans les parlers judéo-espagnols des Balkans et de Salonique, ce sont les formes avec [f] qui étaient préférées. Pour notre part, nous proposons de privilégier les formes avec “f”, afin de rendre la langue compréhensible au public le plus vaste possible (dans les pays de langue espagnole, comme dans ceux de langue portugaise et italienne) et de mieux marquer la personnalité du judéo-espagnol (dont l’origine est ibérique au sens large et non purement castillane). Exemples : “fija” et non “ija” (fille) ; “favlar” et non “avlar” (parler). |
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