Cette partie est consacrée à la description des phénomènes linguistiques majeurs des langues franciques de Moselle du général au particulier.

 

1 Les deux mutations consonantiques

2 La famille francique dans la 2ème mutation consonantique

3 Diphtongaison et monophtongaison

4 La famille francique et la diphtongaison-monophtongaison

5 Quelques formes grammaticales pertinentes de la famille francique

6 Apprendre à distinguer les trois franciques de Moselle

7 Définition officielle des dialectes de Moselle et d'Alsace

8 La famille francique vis-à-vis des diminutifs

9 Comparaison du francique de Moselle par rapport aux grandes langues germaniques européennes

10 Vocalisme à tendance alémanique Pays de Phalsbourg-Dabo

11 Correspondance des voyelles  entre est et ouest de la Moselle (Lux. – Rhén. est)

12 hien, hen / er  (Pronom personnel 3ème sg.)

 

 

1 Les deux mutations consonantiques

(Voir aussi la frise récapitulative)

 

La première mutation consonantique:

 

Il est inutile de s'étaler sur la première mutation consonantique car elle est commune à TOUTES les langues germaniques a posteriori puisque ces langues n'existaient de toute façon pas à l'époque où le germanique s'est séparé de l'indo-européen.

 

En gros, la 1ère mutation consantique marque le passage entre l'indo-européen et le germanique commun.

 

On reconnaît un Germain au fait qu'il prononce :

P   à  F

T   à  TH

K   à  CH

 

De plus, ils prononcent B, D, et G plutôt sourds, donc P, T et K

Les Latins n'ayant rien touché au son P, T, K à cette époque peuvent donc facilement se distinguer des Germains:

 

D'un côté

De L'autre

Pater, padre, paire, père …

Vater, fader, father, far

Mater, madre,maire, mère, ..

Mother, modhar, moder

Nocte

Nacht, night

 

Ces sons seront la carte d'identité de tous les locuteurs germaniques pendant longtemps.

 

Tous garderont le F, en revanche :

 

La deuxième mutation consonantique

 

Elle marque le passage entre le germanique et le vieux haut-allemand. Comme le vieux haut allemand est une fusion du moyen-allemand et de l'allemand supérieur, les dialectes franciques y participent aussi. 

Elle est partie du sud (Suisse, Autriche) où elle s'est appliquée le mieux.

 

On reprend les trois consonnes P,T,K, mais cette fois, en fonction de la position dans le mot elle peuvent se transformer de manière différente:

 

 

Initiale

Médiane

Finale

P

PF

F

F ou PF

T

Z

SS, S, ß

SS, S, ß

K

CH, KCH

CH, KCH

CH

 

Face à ce tableau idéal, les dialectes ont réagi différemment:

 

 

Les dialectes franciques font partie de la zone centrale où il est impossible de généraliser.

 

Suite à cette analyse de la mutation consonantique, les germanistes séparent le bassin allemans en 3:

 

bas-allemand (aucun changement, toutjours PTK, Appel, teen, Buk, maken, Dorp, Pund, to, witt)

moyen-allemand (changements ponctuels suivant les sous-groupes, donc gande variabilité )

allemand supérieur (modification de toutes les consonnes, variabilité du Ch en initiale suviant les zones)

 

 

HAUT

2 La famille francique dans la 2ème mutation consonantique

 

2.1. Aspect généraux :

 

Les parlers franciques de Moselle sont partiellement touchés par la 2ème mutation consonantique comme toutes les langues du moyen-allemand.

 

Ils ont tous adopté le CH comme l'allemand standard, partout sauf en initiale:

(pêle-mêle) Buch, Duch, màche, ëch, koochen, Kuche (Buch/Bauch, Tuch, machen,ich,kochen, Kuchen)

 

Ils n'ont pas adopté le PF et ont gardé le P, mais en revanche, ils ont adopté le FF dans certaines situations. Appel, kloppe, Dipp, Perd, Plumm … (pomme, taper,pot,cheval, prune..)

 

Précisons que la région de Haselbourg-Schaeferhof dans le pays de Phalsbourg a adopté le PF partout comme les dialectes alémaniques (Apfel,klopfe, Pflümm)

 

La Moselle est coupée en deux en ce qui concerne les formes "was,das, es".

(Voir cartes rubrique "Famille francique")

 

2.2. Mutation totale du T en Z  et mutation partielle du T  en S  :

 

Il serait faux de dire que les dialectes franciques de Moselle n'ont pas subi la 2ème mutation consonantique pour le T dans les zones occidentales. Si on les compare aux dialectes bas-allemands ou bas-franciques qui n'ont rien modifié, on constate, en effet, que le moyen allemand tire globalement encore vers l'allemand standard plus que vers le Platt du Nord.

 

Tous ont adopté le Z  dans : zéhn, Zitt, Zeït, zu, Zwiwwel, zweï… (dix,temps, à, doute, deux…)

Comparez avec le néerlandais : tien, tijd, to, twijfel, twee

 

Hormis les cas "wat, dat,et", le s ou ss ou ß est adopté en milieu et fin de mot:

 

Néerlandais                Francique de Moselle               Francique oriental

foet                           Fuß, Fuus …                             Fueß

moeten                      mìsse*                                    mìesse

laten                          losse*                                     losse

* Il existe bien sûr des variantes, nous avons pris la forme la plus proche des autres

 

On voit ici pour cet aspect que les dialectes de Moselle appartiennent à la mouvance haut-allemande !

 

2.3. Mutation du P en FF,  cas du opp en luxembourgeois :

 

Là aussi, le maintien du P ne signifie pas que les dialectes de Moselle ne changent jamais le P en FF.

 

Néerlandais                Francique de Moselle               Francique oriental

pijp                            Piff, Peïf                                   Pfeiff

dorp                           Duerf, Dorf                              Dourf

kopen                        kaafe, keefen                          kaafe

open                          offe                                         offe

opp                            opof uf                                 uf, af

* Il existe bien sûr des variantes, nous avons pris la forme la plus proche des autres

 

On voit ici pour cet aspect que les dialectes de Moselle appartiennent à la mouvance haut-allemande ! La seule exception est la ligne op / of qui sépare le mosellan du luxembourgeois.

 

2.4. Conclusion: la caractéristique du moyen-allemand est d'avoir tantôt suivi le modèle allemand supérieur, tantôt le modèle bas-allemand. A ce titre, le moyen-allemand est partie intégrante du haut-allemand malgré les quelques divergences évoquées plus haut.

HAUT

 

3 Diphtongaison et monophtongaison

 

Sous ces deux termes, il faut comprendre deux tendances inverses:

 

Au départ, dans la langue souche, on avait une voyelle unique,même prononcée longue, (monophtongue) et on adopte un son composé de deux voyelles qui fusionnent pour donner un nouveau son (diphtongue).

Inversement, il y avait au départ une diphtongue et la nouvelle tendance impose une voyelle unique (monophtongue)

 

On parle de diphtongaison quand on est passé d'une voyelle unique (même prononcée longue) à une diphtongue. (Voir exemple plus bas)

On parle de monophtongaison quand on est passé d'une diphtongue à une voyelle unique, même prononcée longue. (Voir exemple plus bas)

 

Ce processus  a commencé au sud dans l'actuelle Autriche vers le 12ème siècle et a fini au 16ème aux portes de la plaine germano-polonaise.  La zone alémanique (Suisse, Bade, Alsace) et une partie de la Moselle n'ont pas adopté la diphtongaison, de même que le bas-allemand.

 

Pour l'allemand standard actuel, il y a 3 diphtongues : AU, EU, EI  et leurs variantes graphiques.

 

 

 

                     Les monophtongues se diphtonguent en :

Moyen haut-allemand (moyen âge)

Nouveau haut-allemand

i:

ei

u:

eu

ü:

au

 

On cite souvent l'exemple: mîn niuwez hûs  [mi:n ny:wǝs hu:s] à  mein neues haus  [main nɔyǝs haus]

                     Les diphtongues se monophtonguent en :

Moyen haut-allemand (moyen âge)

Nouveau haut-allemand

ie    [iǝ]

i:

uo   [uo]

u:

üe   [yǝ]

ü:

 

On cite souvent l'exemple : liebe guote brüeder  [liǝbǝ gUotǝ bryǝdǝr]  à liebe gute Brüder [li:bǝ  gu:tǝ  bry:dǝ r]

 

HAUT

 

4 La famille francique et la diphtongaison-monophtongaison

 

La carte sur la monophtongaison dans la page "Famille francique" montre que le francique rhénan de Moselle( le francique d'Allemagne l'a adoptée), et en partie le francique mosellan, n'ont pas adopté la diphtongaison, de même que le pays de Cologne.

En cela, ils rejoignent l'Alsace, le Bade et la Suisse. Plus loin aussi, le bas-allemand.

 

En revanche, le néerlandais issu du bas-francique fait partie des langues germaniques où il y a le plus de diphtongues (aai, ei, ij, oei, ooi,ui,eeu,au, ou, ieu).

 

La particularité du francique rhénan du sud-est  se trouve dans le fait qu'en plus d'avoir une voyelle unique il pratique la voyelle brève.

Comparez meen Hus (mé:n hu:s) (Cologne)  à min Huss (min hus) (Rhénan de Moselle).

 

Prenons la phrase médiévale suivante : ich bûwe mîn niuwez hûs (Je construis ma nouvelle maison)

 

d'est en ouest :

 

i bau mei neies Haus  (francique oriental)

ìch böj min nèjes Hüss (rhénan transitoire – un alsacien bas-rhinois)

ìch böw min nèyes Hüss (rhénan transitoire) *

ìch bow min nèyes Huss (rhénan) *

ìch bouw meïn neïes Hous (rhénan – villages verriers)

ìch boiw min noies Huss (rhénan transitoire)

eich bauen mai noit Huss( mosellan)

ech bauen meïn neit Hous (Variante luxembourgeoise)

ëch bauen mäin neit Haus (Luxembourg)

ik bouw mijn nieuw huis (ik bouw meïn niüw höjs) (Néerlandais)

 

On constate très nettement que le francique rhénan (avec l'astérisque) est très proche de la phrase médiévale non diphtonguée.

En revanche, on remarque qu'à partir du rhénan, plus on va vers l'ouest plus il y a de diphtongues, plus on repart vers l'est (en enjambant l'Alsace et le Bade) plus on entend une langue diphtonguée.

 

ouest

Francique rhénan Moselle

Nord - est

Bouwen, bauen, boiwen

Mijn, mäin, mai

Huis, hous, haus

Bowwe, böwwe

Min, mèn

Huss, hüss

Bauen

Mei, moi, moa

Haus

 

 

En plus, de ces trois diphtongues, io faut , en fait, rajouter d'autres diphtongues propres au francique luxembourgeois que l'on ne rencontre que très partiellement en francique mosellan.

 

Luxembourgeois

Rhénan du pays de Sarrebourg

Huelen

Holle

Huet (er)

Hàtt (er)

Leït

Litt

 

On s'aperçoit que le luxembourgeois a aussi la diphtongue "ue" en lieu et place de "o" "a" et que la diphtongue "eï" peut correspondre à "eu"  (deïtsch/deutsch, Leït / Leut).

HAUT

 

Conclusion :

Ici, le francique de Moselle  se distance du haut-allemand, essentiellement le rhénan. Contrairement à ce qu'on aurait pu penser spontanément, ce ne sont pas les langues nationales de pays distincts de l'Allemagne qui sont les plus éloignées du schéma haut-allemand.

 

 

5 Quelques formes grammaticales pertinentes de la famille francique

 

5.1. Les participes passés des verbes irréguliers

 

Concernant ce sujet, une fois de fois de plus, on constate que le francique de Moselle se distance à nouveau des autres par un aspect spécifique qui trouve ses transitions à l'est comme à l'ouest.

 

 

L'allemand et le néerlandais standard pratiquent la finale –en : gevaren, gelopen / gefahren, gelaufen

 

Les dialectes de l'est du bassin pratiquent la finale –e : gefahre, g'loffe, gange

(Cette forme commence déjà en Moselle dans les parlers de transition vers l'alsacien (comme dans le Pays de Phalsbourg à Trois-Maisons, etc)

 

Les dialectes franciques de Moselle sont reconnaissables au fait qu'ils ne mettent aucune finale !

gefuer, gebung, gezoo (gefahren, gebunden, gezogen)

 

Le luxembourgeois fait déjà la transition avec le –en néerlandais puisqu'il a également des formes en –en :

 

ech hu geschriwwen (Lux.)  /  ìch hànn geschribb (Pays de Sarrebourg)

ech si gangen (Lux.)  / ìch bin gàng  (Pays de Sarrebourg)

ech hu gestanen (Lux.)   / ìch bin gestàng  (Pays de Sarrebourg)

 

REMARQUES :

 

HAUT

 

5.2. Le participe passé du verbe  "être"

 

La famille francique se reconnaît à son participe passé du verbe "être". Seul un tout petit îlot en Moselle du Sud-Est (Vallée de la Zorn) utilise le participe alémanique g'sin.

 

Néerlandais       Luxembourgeois         Mosellan/rhénan         Francique oriental

geweest            gewiescht                  gewähn, gewènn        g'wèè, g'wèst

 

5.3. La forme du verbe "être" au présent 3ème pers. sg

 

On distingue deux zones qui se reconnaissent facilement au présent du verbe "être" : la zone ISCH  et la zone  IS (+ variantes). Tout consiste à écouter la prononciation du S.

La zone ISCH se rattache à l'Allemagne du centre et du sud-ouest.

La zone IS se rattache au bas-allemand.

 

Néerlandais : hij iz

Luxembourgeois : hien  as

Mosellan :  er is

 

Rhénan : er ìsch

Franconien : er isch

 

6 Apprendre à distinguer les trois franciques de Moselle

 

 

Rappelons d'abord les trois zones:

 

 

En lisant les textes écrits en francique des pays de Moselle faites attention à quelques critères d'identification simple:

 

Vous lisez du rhénan si vous voyez si possible en même temps dans le même texte :

 

 

Vous lisez du mosellan si vous voyez possible en même temps dans le même texte :

 

Vous lisez du luxembourgeois si vous voyez si possible en même temps dans le même texte :

 

 

7 Définition officielle des dialectes de Moselle et d'Alsace

 

Définition de la langue régionale par :


Adrien Finck Professeur émérite de littérature allemande et alsacienne
Frédéric Hartweg Professeur des Universités à Strasbourg
Raymond Matzen Anc. Directeur de l'Institut de Dialectologie alsacienne
Marthe Philipp Professeur honoraire de linguistique et de dialectologie
Université Marc Bloch - Université Robert Schuman


L'Alsace et la Moselle germanophone sont situées le long de la frontière des langues germano-romane qui a très peu varié depuis un millénaire. Ce qui est aujourd'hui appelé l'"alsacien" et auparavant allemand, puis allemand alsacien, relève des parlers "alémaniques" et "franciques" qui se sont imposés dans notre région depuis les "grandes migrations" (du IVe au Ve siècle). Cet espace linguistique dépasse les frontières nationales actuelles, et c'est ainsi que l'"alémanique" se retrouve autant en Alsace qu'en Pays de Bade, en Suisse alémanique, au Liechtenstein et en Autriche (Vorarlberg), selon de nombreuses variétés locales propres aux "dialectes".

Les "dialectes" sont des langues parlées non codifiées. La langue normalisée, écrite et codifiée correspondant à nos dialectes est l'allemand standard. Précisons que les "dialectes", tout en évoluant, sont antérieurs à l'allemand standard qui est une langue de grande communication ("koinè") développée à partir du XVème siècle. L'Alsacien dialectophone apprendra facilement l'allemand standard (issu de l'espace dialectal "mitteldeutsch" et "oberdeutsch" auquel appartiennent ces parlers) selon une méthode pédagogique effectivement adaptée à la région.

"Langue standard" et "dialecte" ont des fonctions différentes. Il n'y a pas de hiérarchie. Une langue n'est pas uniquement un moyen de communication, elle a également une fonction expressive, identitaire, et c'est bien une fonction qui revient surtout au parler natal, autochtone.

L'appartenance de l'"alsacien" à l'aire linguistique allemande ne signifie évidemment pas qu'il ne présente pas de particularités, et notamment des interférences avec le français, mais qui n'affectent ni la parenté historique, ni sa structure. Il n'y a en Alsace qu'un nombre assez restreint de locuteurs ne connaissant qu'une seule "variété de langue". En fonction des locuteurs en présence, de l'"environnement", on utilise soit le dialecte, soit le français ; avec des locuteurs bilingues, les deux peuvent alterner ("code switching"), ce qui peut être le signe d'une défaillance, mais aussi d'un jeu.

Si la parenté de l'"alsacien" et de l'"allemand" n'est plus clairement perçue dans la conscience populaire, ce problème s'explique surtout par le "rejet" de l'allemand après 1945, à la suite du traumatisme de l'annexion et de la terreur national-socialiste. Tout en respectant la mémoire vigilante de ce passé, il faut retrouver aujourd'hui une vue plus objective et sereine.

Il résulte de ces remarques la définition de la "langue régionale" dans sa double dimension : allemand dialectal et allemand standard. Cette définition a été formulée officiellement par le Recteur Pierre Deyon en 1985 :

"Il n'existe en effet qu'une seule définition scientifiquement correcte de la langue régionale en Alsace, ce sont les dialectes alsaciens dont l'expression écrite est l'allemand".



NB: Par souci d'équité et de neutralité, nos lecteurs qui ne sont pas locaux doivent comprendre qu'il s'agit ici d'une définition qui est loin de faire l'unanimité sur le terrain.  En Moselle et en Alsace, vous trouverez des dialectophones qui estiment que leur langue régionale n'est pas l'allemand, ni une variante orale de l'allemand standard (écrit ou oral). Le francique est une langue en soi, plus ancienne que l'allemand standard à laquelle elle n'a pas à faire allégeance en quelque sorte.  Avoir des facilités à apprendre l'allemand à travers le francique est chose, mais considérer l'un comme une variante dialectale de l'autre en est une autre. En général, les défenseurs du francique (alsacien aussi) estiment que le francique s'écrit, qu'il doit être appris en cours de langue régionale. Les deux écoles s'affrontent sur le terrain.

 

8 La famille francique vis-à-vis des diminutifs

 

L'aire francique touche aux trois zones majeures des diminutifs puisqu'elle chevauche les trois aires dialectales majeures de l'allemand occidental.


Résumons de manière outrancière : il y a la zone K, la zone CH et la zone L .


D'abord, l'usage du diminutif est bizarrement resté confiné aux langues germaniques occidentales. Les Scandinaves et les Anglais n'en ont pas l'usage dans les langues modernes, du moins.
En revanche partout où il existe il est très usité, voire apprécié. Il reflète une partie de l'identité régionale d'une communauté linguistique.
D'ailleurs, c'est un des premiers petits signes qui finit par trahir un locuteur parlant en Hochdeutsch, surtout dans le centre et et le sud du bassin germanophone.


Le nord est représenté par le K dans -ken , -ke , de la Belgique au Prussien de Dantzig . Le K est tout simplement la prononciation non mutée du CH allemand standard.

En bas-francique, ce K est atténué  dans certaines zone en J (-je , -jen) , essentiellement la zone néerlandaise (pensez à la pomme de terre "bintje" )
Ce diminutif est passé dans la postérité avec le fameux "manneken piss" , manneken, le petit homme qui pisse !

Le centre est caractérisé par le CH prononcé soit comme le CH allemand standard dans "ich", soit comme SCH ; on entend -chen, -che, -sche.
Il est typique des régions franciques médio-rhénanes, mosellanes, hessoises et haut-saxonnes.
C'est celui qui est passé dans la langue littéraire et officielle.

La zone L est énorme et variée. Elle démarre en Alsace et finit à Vienne en Autriche. Elle existe en allemand standard sous une forme qu'on considère aujourd'hui comme poétique LEIN.

On y trouve encore le francique rhénan pour sa partie orientale (Pays de Sarreguemines, Sarralbe, Sarreboug, Phalsbourg) qui, comme
l'Alsace et le pays badois prononce -el ; les Franconiens, les Souabes et les Suisses prononcent -la, -le, -li ; les Austro-bavarois et Saxons -l, -erl, -el .

Les judéo-allemands (yiddish) ont aussi la forme -le. Il existe toujours en yiddish oriental et colonial (USA, Israel).

Un mot avec un diminutif est neutre ; il est invariable.

 

Néanmoins dans certaines zones, il y a une forme singulier et pluriel. L'alsacien ou certains franciques rhénans orientaux disent par exemple:
e männel = un petit bonhomme d'männle = les petits bonhommes. -el --> -le

Mais on trouve aussi des franciques mosellans qui passent de –che  à –cher .

Le yiddish et judéo-alsacien en font  autant : a kneydele : une petite boulette di kneydelekh : les pêtites boulettes -le --> -lekh

Le francique oriental également : a Städtla à viele Städtlich  (-la  -> -lich)


Il ne suffit pas de changer le -chen allemand pour obtenir l'équivalent dialectal ; cela dépend du mot de départ.
Dans Mädle, Mädel, Maidel, Madla, Mäke on reconnaît bien Mäd-chen, mais pas dans Derndl ou Deernke car le mot de base pour fille est ici "dern". Ensuite, souvent l'adjonction d'un diminutif provoque l'ajout de trémas ou le changement de voyelle précédente:

de  Buch à 's Bìchel   (le ventre à la bedaine, le petit ventre)

e Mànn à 's Männel (un homme à un petit homme)

HAUT

 

9 Comparaison du francique de Moselle par rapport aux grandes langues germaniques européennes

 

Observez d'abord les tableaux suivants:

 

Deutsch

Francique

English

Nederlands

Norsk

Apfel

Appel

Äppel

Eple

Apple

Pfeffer

Peffer

Pepper

Pepper

Peper

Brechen

breche

Break

Breken

Brekke

Helfen

helfe

Help

Helpen

Hjelpe

Kochen

koche

Cook

Koken

Koke

Buch

Buch

Book

Boek

Bok

Milch

Mìlch

Milk

Melk

Melk

Katze

Kàtz

Cat

Kat

Katte

Wasser

Wàsser

Water

Water

Vann

Sitzen

sitze

Sit

Zitten

Sitte

Fuß

Fuß

Foot

Voet

Fot

 

Bruder

Brudder

Brother

Broeder

Broder

Bad

Bàd

Bath

Bad

Bad

Danken

dànke

Thank

Danken

Takke



Tür

Dier

Door

Deur

Dør

Brot

Brot

Bread

Brood

Brød




See

See

Sea

Zee

Sjø

Jahr

Johr

Year

Jaar

År

Raum

Rumm, Raum

Room

Ruimte

Rom

Fisch

Fisch, Fusch

Fish

Vis

Fisk

Schule

Schul

School

School

Skole

Finden

Finne/finge

Find

Vinden

Finne

Haus

Huss, Haus

House

Huis

Hus

Frei

Frey /frei

Free

Vrij

Fri

 

Les tableaux comparatifs ci-dessus font apparaître quelques aspects intéressants :


1) Si l’on tient compte seulement des mutations de la deuxième mutation consonantique appliquée à l’allemand, ici la première série de mots, l’anglais, le néerlandais et le norvégien font partie de la même famille et laissent les dialectes haut-allemands à part dans la famille germanique. Le francique quant à lui est à mi-chemin entre les deux puisqu'il a conservé le P et en partie le T dans la zone ouest. En quelque sorte, c’est l’allemand qui quitte la grande famille en modifiant les P, T, K originaux.

2) On s’aperçoit que l’anglais (2ème série de mots) reste fidèle au TH des origines et que les autres quittent le giron germanique. L’insularité y peut-être pour quelque chose puisque les Islandais et les Féroïens ont également conservé le TH. (ð þ) . Le francique se rattache à l'allemand concernant ce son.

3) Les fameux durcissement et assourdissement des consonnes allemandes sont visibles avec Tür et Brot. Les langues plus septentrionales ont des sons souvent plus sonores. Ici le D contre le T. C’est au moyen haut-allemand que les consonnes ont connu un durcissement final donnant ce cachet spécifique à l’allemand : Tag, Bad, ob = [ta :k] [ba :t] [
ɔp]. Par ce phénomène, l’allemand garde sa position spécifique au sud du bassin germanique. Ici le francique réagit de manière différente suivant les endroits. Dans le Sud-Est, le durcissement est localement très important, notamment le G en K, le B en P. Kepìrri serait la forme durçie de Gebirri (Gebirge = montagne). Vers l'ouest, c'est moins le cas, voire pas du tout.

4) La dernière série de mots attire l’attention sur des aspects secondaires, mais utiles en l’occurrence puisque, grâce à eux, on peut distinguer les langues restées proches au nord.

5) Le traitement du SK germanique : il est passé en SCH / SH dans les langues occidentales, mais il est resté SK en scandinave. La graphie est trompeuse, le SCH peut se prononcer différemment comme en néerlandais [S + KH ] [sxo:l] . Le francique est dans la zone allemande du SCH chuintant.

6) On remarque le chasser-croiser entre le scandinave et les langues occidentales, dont le francique, concernant le J. Soit il est abandonné (ung contre jung , young), ici l’année år contre Jahr , soit il est rajouté comme dans hjelpe contre help. Ici, c’est le scandinave qui a quitté le giron.

7) Les derniers mots révèlent une tendance plus forte à la diphtongaison dans les langues occidentales qu’en scandinave. Le francique ici est différent suivant les régions. Le luxembourgeois diphtongue plus que le rhénan. Ainsi, on peut s'étonner un francique rhénan de Phalsbourg prononce de la même manière que le Norvégien "hüss".

 

Une petite carte récapitulative :

 

 

HAUT

 

10 Vocalisme à tendance alémanique Pays de Phalsbourg-Dabo

 

Le vocalisme du Platt de Mittelbronn, Moselle Sud-Est, Pays de Phalsbourg

Feu M. Schrub, professeur d'allemand, archiviste de Phalsbourg, responsable du Musée de Phalsbourg s'est longtemps penché sur la langue locale et l'habitat local.
Entre autre, il a étudié le vocalisme très alémanique du Platt de Mittelbronn, un village tout proche de Phalsbourg.

Voici en résumé ce qu'il explique :
Le Mittelbronnais est majoritairement alsacien dans le timbre des voyelles les plus usuelles.
Les isophones séparant les voyelles alémaniques des franciques rhénanes passent tous dans la région dans
un axe nord-sud

O <-> Ö      bowe, bowwe < - >  böwe, böwwe, böje
U <-> Ü       Huss < - > Hüss
U <-> ÜE
    gudd < - >  güet

Agauche les sons du rhénan, à droite les sons alémaniques.

Ce sont des lignes qui se croisent sans logique apparente et montrent bien le continuum des sons dans cette zone de transition où la diversité phonétique est une évidence pour tous les locuteurs locaux.


 

Mittelbronn est situé à l'est des trois grands isophones cités plus haut. De plus, on constate une forte proportion de sons monophtongués, presque plus qu'en Alsace voisine.

I long fermé i ie
I long semi-fermé ìe (Inexistant en allemand standard)
I bref fermé i
I bref semi-fermé ì (Inexistant en allemand standard)
E long semi-ouvert ee
E long ouvert èè
E bref fermé é (rare en allemand standard - mots étrangers)
E bref ouvert è
A long ouvert a aa ah
A bref ouvert a
À long vélaire à àà (Inexistant en allemand standard)
À bref vélaire à (Inexistant en allemand standard)
Ü long fermé ü
Ü bref fermé ü, üe, y
Ü bref semi-fermé ü
Ö long semi-fermé ö öh
Ö bref semi-ouvert ö (Inexistant en allemand standard)
Ö bref ouvert ö
O long semi-ouvert o oo oh
O long ouvert ò òò òh (Inexistant en allemand standard)
O bref semi-ouvert ò

Diphtongues:
EI    ei, ai
AU au
ÈÈJ èèj (Inexistant en allemand standard)
EJ éj (Inexistant en allemand standard)


HAUT

 

Le dictionnaire en ligne porte sur cette région. On peut constater grossièrement :

que l'est du secteur est tourné vers l'alémanique alsacien (prononciation et partiellement le vocabulaire)

que le nord du secteur est tourné vers la variante particulière du francique rhénan d'Alsace Bossue

que l'ouest est largement tourné vers le francique rhénan qu'on trouve du Pays de Bitche à Forbach jusque Sarrebourg

que le centre est tantôt orienté ouest, tantôt est.

que la partie la plus alémanique est celle des hauteurs limitrophes au Bas-Rhin  où on prononce aussi le E à l'alsacienne, donc A dans "schnall, Gald, Flack…).

 

 

 

 

 

HAUT


11 Correspondance des voyelles  entre est et ouest de la Moselle

 

La diphtongaison sépare l'ouest de l'est comme il a déjà été dit (Hors rhénan des villages verriers).

Zeït – Zitt

deï – d'

Haus – Huss

mäin -  min

 

Lux.

Rhén.

Eï, èi, äi

I, ì , è

Au, ou

U, ü

 

Mais, pour se virevolter de l'un à l'autre, il faut aussi connaître d'autres tendances vocaliques:

 

Lux.

Rhén.

IE

é, è, ä

UE

A à 

UE

O

A

I, ì

A

O

Ë

I, ì

É

I, ì


Pour le IE :

 

(âne)          iesel      <> Ésel, Éssel                           (Alld. Esel)
(foie)          lieva      <> Lèwwer                              (Alld. Leber)
(farine)     miel        <>  Mèhl                                  (Alld. Mehl)

(oublier)   vergiessen <> vergèsse                        (Alld. vergessen)

(ours)       bier <> Bär                                              (Alld. Bär)

(lire)          liesen <> lèse                                          (Alld. lesen)

(mourir)    stierwen <> stèrwe                              (Alld. sterben)

 

Pour le UE :

(four)                    ueven   <>   Owe, Owwe                   (Alld. Ofen)

(aller chercher)   huelen <>  holle                                   (Alld. holen)

(payer)                bezuelen <> b'zàhle                            (Alld. bezahlen)
(nez)                     nues    <> Nàs,  Naas                          (Alld. Nase)
(rouler)              fueren  <> fàhre                                   (Alld. fahren)

 

Pour le A :

 

(aveugle) blan <> blìnd                                           (All. blind )

(nager)              schwammen <> schwimme                  (Alld. schwimmen)

(trouver)           fannen <> finde, finge, finne               (Alld. finden)
(avec)                mat <>  mit                                             (Alld. mit)

((est)                 as <> isch                                       (Alld. ist)

(chanter)           sangen<> singe                                      (Alld. singen)

 

(tête)                 kapp <> Kopp, Kopf                               (Alld. Kopf)

 

Pour le Ë :

(savoir)              wëssen <> wìsse                                   (Alld. wissen)

(souhaiter)        wënschen <> wìnsche                          (Alld. wünschen)

(être assis)        sëtzen <> sìtze                                       (Alld. sitzen)

(pêcher)            fëschen <> fische                                   (Alld. fischen)

(je)                     ëch <> ìch                                      (Alld. ich)

 

Aussi le e sans trémas dans les finales d'adjectifs:

- esch,  -eg, -lech  <>  -isch, -ich, -lich                            (Alld. –isch, -ig , -lich)

(lëtzebuergesch,  eenzeg  , nämlech )

 

 

Pour le É :

 

(boire)                trénken <> trinke                         (Alld. trinken)

(envoyer)          schécken <> schicke           (Alld. schicken)

(apporter)         bréngen <> bringe                       (Alld. bringen)

 

Donc une tendance générale se dessine:

les E tendent vers I en rhénan et vice-versa

les I  tendent vers E, Ä, A en rhénan et vice-versa.

les UE tendent vers A en rhénan.

 

NB : ces quelques indices peuvent être bien utiles quand on lit du francique luxembourgeois où la graphie peut parfois désorienter le lecteur habitué à l'allemand.

Il ne faut pas modifier toutes les voyelles par principe avant même de lire le texte. Il faut d'abord lire, si la parenté saute aux yeux, on continue la lecture. La transpostion aide dès qu'on a un petit problème. Dès qu'on connaît les grandes vocaliques du luxembourgeois, on fait la transposition assez facilement.

 

HAUT

12 hien, hen / er  (Pronom personnel 3ème sg.)

 

Hen huet keïn Zeït – Er hàdd kenn Zitt  (Il n'a pas le temps)

 

Ces deux phrases en francique luxembourgeois occidental et francique rhénan montre un élément important dans la différenciation entre les franciques orientaux et occidentaux et corrobore la fonction transitoire des dialectes franciques de Moselle. 

 

Le francique luxembourgeois, essentiellement dans sa partie rive gauche de la Moselle, appartient à la zone du "HE" caractéristique des langues du nord (bas-allemand, scandinave, néeerlandais, anglais) alors que la forte majorité des franciques de Moselle (y compris une partie du francique luxembourgeois) pratique le "er" comme l'allemand standard et les dialectes du sud. 

 

Comme pour les autres langues bas-allemandes (Anglais, néerlandais), le francique luxembourgeois garde la forme "sie" au féminin (zij, she, ze, si) alors que le scandinave a également une forme en H (hun).

 

 






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