Faisons connaissance avec la famille francique élargie!

Pour ceux qui recherchent des explications plus linguistiques et plus détaillées, reportez-vous à la rubrique "critères linguistiques".

 

La famille francique chevauche les trois grandes aires dialectales du bassin allemand. Cela en fait un cas unique parmi les grands dialectes souches de l'empire allemand (Saxon, Souabe-Alémanique, Bavarois, Thuringeois)


 

Si l'on ne tient pas forcément à représenter cette famille francique de manière globale, c'est parce qu'elle ne coïncide pas avec un Etat ou une région qui permettraient de l'identifier de manière claire à l'instar de la Bavière pré-napoléonnienne où l'on parle bavarois. Avant l'an 1000, la zone francique est déjà coupée en deux: une partie en Lotharingie, une autre dans le royaume germanique de Francie orientale:




 

Il est intéressant de constater que la partie lotharingienne comporte les régions qui ont donné des nouvelles langues nationales ou officielles ou une langue régionale minoritaire pour la Moselle. La partie bleue sera, en revanche, l'un des centres historiques de l'Empire allemand.

 

La carte ci-dessous montre les grandes aires dialectales appartenant à la grande famille francique. On remarquera que le département de la Moselle  est touché par les dialectes E, F et G.


 

En Moselle, on parle les dialectes franciques rhénan (G), mosellan (E) et luxembourgeois (F). Les sites officiels luxembourgeois décrivent certes  leur langue nationale comme une variante du francique mosellan, mais pour bien matérialiser  les choses, nous maintiendrons la distinction entre E et F.

De même, aux Pays-Bas (zone A), on aurait pu différencier le hollandais des dialectes de Groningue, de Drenthe et d'Overijssel où l'influence friso-saxonne (bas-allemande) est très marquée. Ce sont les zones interaréales entre le bas-allemand et le bas-francique, voire néerlandais. Le frison (en blanc) et le limbourgeois (B) sont des langues régionales minoritaires selon la charte de l'UE.

 

L'espace dialectal francique étant au contact de plusieurs aires majeures, il est traversé par des lignes qui matérialisent des différences de prononciation d'un son germanique commun. Grâce à ces lignes, les linguistes ont défini les grandes aires dialectales. Il serait stupide de les percevoir comme figées. Il existe un continuum d'un micro-dialecte vers l'autre. En Moselle du Sud-Est, on entend par exemple les uns dire "Pfiff" et les autres "Piff" (Pipe). Cela ne dérange en rien l'intercompréhension.

 

L'une de ces lignes distinctives est la ligne de Spire qui porte sur  P / PF. Prenons la pomme : Apfel ou Appel. Elle ne nous concernerait pas s'il n'y avait pas un tout petit coin du Sud-Est mosellan où l'on prononce PF et non P comme tous les Mosellans.


 

Comme on le voit sur la carte, le monde francique est majoritairement dans la sphère du P. La Moselle appartient également cette zone à l'exception d'un tout petit coin de son territoire aux confins de l'Alsace. 

 

 

L'autre ligne qui sépare l'aire du T de celle du S dans les mots das, was, es  / dat, wat, et s'appelel la ligne de Saint-Goar; elle traverse le département de la Moselle.

"Wàs isch dàs ?"  et "Wat as dat ?" sont les deux manières d'exprimer de chaque côté de la ligne "Qu'est-ce que c'est?".


 

Cet aspect est important sur le terrain car il permet de reconnaître les franciques rhénans d'un côté, les mosellans et luxembourgeois de l'autre. C'est un signe distinctif infaillible. Dès que vous entendez ou lisez un "dat", vous n'êtes plus en zone rhénane (sur la carte en jaune G ). la consonance des "dat" "wat" rapproche évidemment du bassin bas-allemand et bas-francique.

 

La ligne de Coblence qui porte sur la distinction faite entre op et of ("sur", allemand "auf", anglais "up") traverse également le département de la Moselle dans sa partie occidentale.  Elle est importante pour distinguer cette fois le francique mosellan (of) du luxembourgeois (op).


 

Cette fois, le francique mosellan tire vers l'aire moyen-allemande alors que le luxembourgeois continue de prendre un caractère plus orienté vers les langues du Bénélux.

Il ne faut pas confondre cette ligne du op/of avec la ligne de Bad Honnef portant sur Dorp / Dorf (village) qui ne touche plus les franciques de Moselle. Le dernier dialecte de Moselle au contact des langues du nord (bas-allemandes) n'a pas généralisé le maintien de la prononciation de tous les P germaniques en P. Cela permet de reconnaître le Néérlandais ou le  Plattdütsch du Nord de l'Allemagne du francique luxembourgeois aux confins de cette aire.

 D'autres lignes continuent de traverser l'aire francique, mais les dialectes mosellans sont tous situés au sud de ces lignes. L'une des plus frappantes à l'oreille est la ligne de Benrath qui porte sur les K / CH  (machen / maken "faire" ). Elle sépare le francique central (D) du bas francique (A,B,C). Elle coïncide presque avec la ligne de Uerding qui fait la différence entre "ich" et "ik" qui traverse C et B.

Une fois dépassées ces deux lignes, on se trouve dans le bassin bas-allemand de par la consonance générale.

du Nord-Ouest au Sud-Est (A à I): 

ik eet een appel – ëch ess eïn appel – eich ess e äppel – ich ess e àppel – ich ess a apfel

 

La situation des franciques de Moselle est aussi intéressante à observer au sein de la famille francique élargie. Là aussi, ils remplissent leur rôle de transition quand on observe  les voyelles. Dans les langues germaniques, certaines ont tendance à prononcer les voyelles très brèves, d'autres utilisent de nombreuses diphtongues (deux voyelles fusionnées ensemble pour donner un son spécifique). Aux extrémités du bassin francique, le néerlandais et le franconien ont de nombreuses diphtongues.  Inversement, la région de Moselle en terre francique rhénane orientale se distingue par sa forte représentativité en voyelles brèves (monophtongues).

Cet aspect est également important à retenir pour différencier en Moselle la zone G de E/F. Chaque région joue son rôle de transition. On observe, par exemple, qu'à Saint-Avold en région rhénane occidentale limitrophe au francique mosellan il y a un début de diphtongaison:

(construire d'est en ouest) böje (G)  à böwe (G)à bowwe (G)à boiwen (G)à bauen (E + F). On remarque le "oi" du boiwen de Saint-Avold qui le rapproche de la diphtongue "au" des zones E/F.

 

Donc, on peut retenir l'idée générale que, dans la famille francique majoritairement favorable aux diphtongues, il existe deux îlots qui n'ont pas accepté la diphtongaison et qui privilégie généralement les sons brefs ou monophtongués : partie sud de la zone G et la zone D/C. Pour la zone C, il n'y a pas de surprise puisqu'elle appartient au bas-allemand qui n'a pas adopté la diphtongaison. La zone D, pays de Cologne, est aussi une région de transition connue entre le moyen allemand et le bas-allemand. En revanche, on observe que la partie mosellane de la zone G est bien encerclée par des dialectes qui ont adopté les diphtongues.

 

 

 


Prenons deux exemples : la maison (das Haus en allemand),  mon (mein en allemand)





 

 

La forme "min" (identique à l'alsacienne voisine) est indubitablement la plus brève de tout le bassin francique puisque le "meen" du centre est long (prononcez un " é " long).

 

En observant les langues et dialectes franciques, on s'aperçoit à l'œil nu ou à l'oreille qu'ils ont un traitement particulier de la lettre G. 

 


 

Il est très difficile de synthétiser ce sujet sur une carte, il faut rester dans les grandes tendances. La zone bleue est celle qui prononcent le G à tendance vélaire dans toutes les situations (proche de l'allemand CH dans Bach) même si, en réalité, il existe trois nuances de ce même son suivant la position dans le mot.

Ainsi, on ne prononce surtout pas GU dans geven, berg, dag ou Gouda.

 

La zone verte forme la transition entre le nord et le sud du bassin allemand. Suivant les zones, il existe encore des variations importantes comme dans la zone rhénane: En rhénan de Moselle, on trouve côte à côte  saan, Daa et Berch, Trooch (sagen, Tag, Berg, Trog) alors qu'en pays hessois, on entend saache, Daach, Berch, Trooch.

 

La zone jaune (francique rhénan du sud-est mosellan) atténue le G en W ou J, en finale il peut disparaître : sàwe, Dàà, Berri. En cela, il est apparenté à l'alsacien bas-rhinois.

 

En revanche, la zone verte + jaune  conserve le G en début de mot: Geld, Gold, Grabb, gudd.

 

On remarque bien la correspondance G / CH dans la finale des adjectifs orthographiés –ig en allemand standard mais prononcé –ich ou –isch dans les  dialectes franciques (ferdich = fertig). De la même manière pour les verbes en –igen qui donnent –iche, -ichen ou –ische (beruhigen à beruhische, beruhichen).

Il ne faut croire qu'il n'y a donc pas  de G  en francique central et oriental car ces dialectes ont souvent la tendance de prononcer le son " k " tellement atténué qu'on entend plutôt un "G" : drìggen pour drücken (presser).

 

En conclusion, sur ce son, il est un signe distinctif des parlers franciques vis-à-vis :

 

Un autre son typique de la famille francique qui le rapproche du nord et non du haut-allemand est le B en W.


 

C'est à peu près la même chose que pour le G. A l'exception du B en début de mot, on constate que le B s'affaiblit en W ou disparaît dans certains cas. Là aussi, l'alémanique du Bas-Rhin semble avoir été influencé par le francique quand on le compare au haut-rhinois.

 

Il faut prononcer le W comme un V français. C'est pour cette raison que nous avons écrit un V sur la carte dans les pays néerlandais où le W se prononce comme en anglais (water). Attention, le V néerlandais est à mi chemin entre le V et le F.

 

Quand le W est lui-même atténué, il disparaît : gewwen à gènn, notamment dans les dialectes de Moselle.

La zone G est donc très diversifiée. Un Hessois dira "hawwe" quand un francique rhénan de Moselle dira "hànn" ou "hänn".

 

 

Conclusion:

La famille francique traverse les aires dialectales dans la continuité. On trouve des régions tampons qui servent de tremplin à l'espace dialectal suivant. Il existe une interpénétation consécutive qui permet un passage sans heurts d'une zone à l'autre.

 

La zone B (Limbourg) fait la jonction entre le bas-francique et le moyen allemand.

La zone C (Pays de Clèves – Xanten) fait la transition entre le bas-francique et le bas-allemand

La zone D (Pays de Cologne- Aix-la-Chapelle) fait la jonction entre le moyen et le bas allemand

La zone E (Pays de Trèves – Boulay) fait la jonction entre le rhénan et le luxembourgeois.

La one G pointe sud-est en France (Pays de Sarrebourg – Bitche - Lauterbourg) fait la jonction entre le francique et l'alémanique.

La zone H (Pays de karlsruhe – Pforzheim) fait la jonction entre le francique et le souabe.

La zone I (Pays de Wurzbourg – Nuremberg) fait la jonction entre le francique oriental et le bavarois.

La zone A (Pays-Bas) a, comme évoqué plus haut, une bande occidentale faisant la transition vers le bas-saxon (Plattdütsch).

 

Le francique  a majoritairement adopté la diphtongaison, ce qui fait des Mosellans parlant le rhénan un cas particulier dans la famille.

Le francique a gardé le P dans de nombreuses situations, totalement à l'ouest (Bénélux), partiellement à l'est.

Le francique a deux variantes possibles d'un  même mot parce qu'il est traversé par des lignes repères à peu près en son centre.

 

Le bas-francique se distingue des autres par le fait qu'il est séparé des autres par la ligne du K / CH (maken / machen)

Le francique oriental se détache des autres par le fait qu'il a adopté la mutation du P  en PF comme ses voisins haut-allemands (Appel / Apfel, Perd / Pferd)

 

Pour avoir une idée des énormes variations dans les familles franciques reportez-vous à la rubrique "Ecrits en langue francique".






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