Natio /Regnum Francorum

1. Les origines, l'évolution du francique ?

Les historiens ne sont pas tous du même avis sur l'origine de l'installation de populations germanophones dans les vallées de la Moselle, de la Nied et de la Sarre dans l'actuelle Moselle.

 

Il faut également se méfier des mots qu'on utilise car ils ont un sens que parfois les gens ne veulent pas qu'on leur donne. En tête de ceux-ci le mot "allemand"  et son équivalent "deutsch". Nous devons apprendre à  comprendre la signification d'un concept sans lui rattacher sans cesse des connotations très récentes.

 

L'histoire classique fait remonter la présence francique aux migrations germaniques à partir du 5ème siècle ap. J.C. D'autres analystes font remonter la présence germanique encore plus tôt, quasi simultanément avec l'époque romaine.

 

D'un point de vue linguistique, il est inutile de tergiverser là-dessus, nous n'avons aucune trace écrite qui pourrait nous aider à y voir clair.

Il faut nous rendre à l'évidence qu'à cette époque, il n'y avait pas un peuple, mais des peuples. Même quand on parle de Francs, il faudrait parler au pluriel. Ils sont la fusion de quelques tribus.

 

On peut s'arrêter à l'idée qu'il y a une population hétéroclite  de langue germanique au sein du monde romain. Ces populations peuvent cohabiter sans problème dans l'empire romain  plutôt tolérant envers les cultures allogènes. Les Francs dont la région souche sont les actuels Pays-Bas étaient d'ailleurs déjà entrés dans l'empire à la demande des autorités romaines qui préféraient voir s'installer des Germains alliés et protecteurs contre les  tribus plus belliqueuses que d'affronter toutes les nations le long du "limes".

 

César a déjà au 1er siècle av. JC fait venir les Triboques, peuple germanique, dans la plaine alsacienne en territoire médiomatrique pour servir de tampon contre les peuplades mal intentionnées voisines, mais aussi pour amputer le territoire des Médiomatriques (basé en Moselle) à cause de leur participation à la bataille d'Alésia.

Les celtes médiomatriques étaient déjà entourés de peuplades germaniques avant l'arrivée des Francs au 5ème siècle. A l'exception de la vallée de la Moselle jusqu'à Trêves, restée très terre latine pendant longtemps, les zones moins peuplées et plus isolées de la Moselle ont pu être occupées partiellement par des peuplades germanophones, rien ne s'y oppose en soi. Ces mêmes populations ont nourri en quelque sorte le terrain germanophone à l'arrivée d'autres peuplades germanophones venues du Nord-Ouest ou de l'Est. On est encore avant la 2ème mutation consonantique et l'on peut admettre que l'intercompréhension entre les membres du peuple de langue germanique est plus aisée qu'aujourd'hui.

 

Il faut noter que les territoires qui ont le terme "franc" dans leur nom ne sont pas forcément les plus francs de langue et de culture (France, Franconie)! Le mot francique est, en français,  plus récent pour désigner la famille linguistique par rapport à l'époque historique des Francs. Ce n'est pas une invention a posteriori, on lit déjà dans les textes en vieux francique le mot "frénkisg", chez Otfried de Wissembourg par exemple: "in frénkisga zungun" (en langue francique). Ce serait même une réhabilitation du mot juste dans un pays qui a parfois un peu tendance à oublier que les Francs étaient germaniques. En allemand, il désigne spontanément la langue de Franconie (Fränkisch). Pour les autres régions, seules les linguistes continuaient d'utiliser le terme "francique"  pour désigner la grande famille dialectale de l'ouest, sur le terrain on disait hessois, sarrois, palatin, kölsch ou luxembourgeois.

En Moselle, c'est encore plus récent, on peut parler également d'une prise de conscience, d'un juste retour des choses. Le retour à un sens communautaire francique ne peut en aucun nuire à l'image identitaire des dialectophones de Moselle.

 

 

Etre Franc est en conséquence une vraie identité pour les gens qui appartiennent à cette communauté. Elle semble tangible à l'époque carolingienne pour qu'on puisse réclamer la prédication et l'instruction du peuple dans sa langue francique, tant l'hérésie est énorme selon les dires des observateurs contemporains de Charlemagne. 

De la même manière, dans les écrits en vieux haut allemand, on reconnaît un sentiment d'appartenance à un "thiot", mot germanique pour "peuple". Appartenir au "thioda" c'est être thiodisk, en langue latine "theodiscus", en français médiéval "tudesque", en allemand médiéval "diutisch", puis "deutsch", en néerlandais moderne "duits".   Dans un monde régi par la loi romaine, la vie intellectuelle et spirituelle romaine, les populations sur le terrain n'ont pas grand mal à savoir à quel bord ils appartiennent: à la "natio" romaine ou au "thiot" germanique?  Comme les Francs étaient quelque peu dominants à l'époque, on peut même se douter que, pour certains auteurs, thiodisk et frénkisg se recoupaient.

 

Même quand on parle de la langue néerlandaise actuelle (De Nederlandse taal), personne ne nie que cette langue était à l'origine " Duits der neederen Landen"  ou on lit aussi dans les textes "De duitse taal der nederen Landen" ou même "Nederduits". Ce n'est pas non plus un hasard si les voisins britanniques les nomment "Dutch".

On sent ici nettement qu'être deutsch (peu importe quelle graphie on prend) c'est déclarer son appartenance à une grande famille qui se définit d'abord par comparaison au monde roman et celtique. Cela n'a rien à voir avec un Etat, une race ou une nation particulières: les concepts d'aujourd'hui ne sont pas ceux d'hier.

 

Ceci étant posé, on se rend bien compte que le peuple francique a atteint son extension de peuplement avant l'an 1000. Il est parti des Flandres et du Sud des Pays-Bas et s'est rendu dans le Nord de la France actuelle (Tournai). Avant de convoiter les terres plus à l'est, les Francs qu'on appelle Saliens ont étendu leur territoire en Gaule. Les Néerlandais parlent également de sons particuliers en "ripuaries- en salies-frankiese dialekten van België en Nederland". Une autre branche du peuple francique très hétéroclite a été la branche rhénane. C'est elle qui s'est installée sur les rives du Rhin, de la Moselle et de la Sarre. Les Ardennes séparent les deux branches. On peut supposer que, de la région souche au Nord-Ouest, elle ait descendu les rivières.

Quand Clovis arrive dans le territoire mosellan au 5ème siècle, seule la partie occidentale de la Moselle paraît francique rhénane. L'autre à l'est est sous contrôle alaman. On sait que c'est à cause de sa victoire sur les Alamans dans nos régions de l'est que Clovis a promis de se faire baptiser.  On dit qu'il les repousse de l'autre côté du Rhin où ils créeront l'Alamannie. Il est vrai que la partie Nord de l'Alsace est plus influencée par le francique que le Sud où l'on sent le socle alémanique de manière infaillible.

Charlemagne, Franc ripuaire ou rhénan, a privilégié la partie rhénane. L'un de ses forts palatins était à Thionville.

 

L'idée de représenter la terre francique des Pays-Bas à la Franconie n'est pas saugrenue, elle tend juste à montrer que les Francs ont laissé des traces sur leur passage, soit par influence sur des populations autochtones germanophones, soit par l'établissement de seigneuries bien organisées en terre francique.

On sait, par exemple, que la terre d'Austrasie était très convoitée par les héritiers francs, ne serait-ce que par prestige.

 

La frontière des langues traverse la Moselle. Elle est établie vers l'an 1000 et ne bougera presque plus avant le 17ème siècle. On suppose que de chaque côté de la limite, les populations allophones minoritaires se sont insensiblement adaptées à la langue majoritaire ou ont quitté les lieux. Le sens pratique a dû prévaloir. Parfois, les montagnes, les grandes forêts et les marécages étaient des barrières naturelles qui facilitaient les choses.

Après la Guerre de 30 Ans (1618-48), des zones dialectales franciques de Moselle ont été rayées de la carte (massacres, épidémies, famines). Au moment du repeuplement, ce sont surtout des populations romanes (Picards, Savoyards, Lorrains) qui sont venues s'installer dans ces régions dévastées. La limite des langues a reculé vers l'est.

 

La présence française dans  la Lorraine indépendante sous Louis XIV marque le début du centralisme français. Le duché de Lorraine pratiquait le bilinguisme par la force des choses, mais n'a jamais tenté d'éradiquer la langue francique de son duché. Jusqu'au 18ème siècle, on parlait des "Allemands" dans le "Bailliage d'Allemagne". La situation est comparable à la Suisse actuelle; le peuple n'est majoritairement pas bilingue, deux communautés vivent l'une à côté de l'autre.

Louis XIV impose le français pour tous les actes officiels dans les territoires qui sont sous sa tutelle. En 1748, le duc Stanislas, totalement subordonné au bon vouloir du roi de France, fait sortir un décret interdisant l'usage de l'allemand dans le bailliage d'Allemagne. La Révolution française achève le processus en prônant le français comme seule et unique langue de la nation républicaine.

 

Les guerres franco-germaniques provoqueront le phénomène inverse en tentant de réimposer l'allemand dans les terres historiquement germaniques. Seulement l'allemand prussien imposé par le pouvoir central est plutôt une greffe forcée dans une population réfractaire, acquise aux idées de l'après-Révolution. Même les populations du sud se rebellent contre les "Preiße" (Prussiens), à commencer par les Sarrois, les Bavarois etc. Le mot "Preiße" sera longtemps synonyme d'allemand de manière péjorative. Le fait que tout devienne politique et impérialiste à partir du 19ème siècle a perverti toute forme de lien naturel entre le francique et la nouvelle langue prussifiée que les pays restés en Allemagne ont dû adopter bon gré mal gré avec le temps. Pour la Moselle, tout était devenu extérieur, voire étranger.

En soi, les Mosellans ont vécu des sentiments très comparables à d'autres identités dialectales fortes en Allemagne. La grande différence pour les Mosellans est qu'ils n'appartiennent plus à la même nation. On ne peut pas comparer les deux côtés sur le seul plan linguistique sans faire de dramatiques réductions. Ceci est encore plus vrai avec la seconde Guerre mondiale.

 

Comparés aux autres populations allophones de France, le cas particulier de l'Alsace-Moselle est à souligner. Aucun Etat voisin n'a cherché à récupérer par la force au 19ème et 20ème siècles le pays catalan, basque, niçois ou flamand. Aucun Etat n'a cherché à imposer dans ces régions dialectales une langue soi-disant plus développée, standardisée. Peu de régions dialectophones françaises peuvent attester dans leur histoire d'un va-et-vient récurrent entre deux gros Etats où chacun veut avoir raison.

Evidemment la Bretagne actuelle ne peut plus être revendiquée par qui que ce soit, si ce n'est par elle-même ! Il faut garder cette ambivalence mosello-alsacienne à l'esprit pour comprendre que le sujet "langue régionale" doit être abordé de manière spécifique pour les régions du Nord-Est.

 

2. Monarques et dirigeants francs

Mérovingiens

La "Francia Rhinensis" (Francie rhénane)  passe sous contrôle des Francs saliensde manière pacifique  en élisant Clovis comme roi des Francs en 509

 

Partage du royaume entre les fils de Clovis:

·        Royaume de Paris  

o       Childebert Ier  Roi (551-558)

·        Royaume de Metz     (Francs rhénans  du Royaume de Cologne)

o       Thierry Ier  Roi (511-534)   

o       Thierry II Roi (534-548)

·        Théodebaud Roi (548-553)

·        Royaume de Soisson

o       Clotaire Ier, Roi (511-558)

·        Royaume d'Orléans

o       Clodomir, Roi (511-524)

Partage entre les fils de Clotaire Ier

o       Charibert, Roi (561-567)

o       Sigibert,  Roi (561-567)

o       Chilperic, Roi (561-567)

o       Gontran I, Roi (561-567)

Partage du Royaume des Francs  :  "TRIA REGNA FRANCORUM "

·        Austrasie

o       Sigibert , Roi (567-575)

o       Childebert , Roi (575-596)

o       Théodebert, Roi (596-612)

·        Neustrie

o       Chilperic I, Roi (567-584)

o       Clotaire II, Roi (584-613)

·        Burgondie - Bourgogne

o       Gontran Ier, Roi (567-593)

o       Childebert  II, Roi (593-596)

o       Théoderic II, Roi (596-613)

o       Sigibert  II, Roi (613)

Partage entre les fils de Dagobert :

o       Sigibert  III, Roi (638-656)

o       Childebert II  , Roi (656-662)

o       Childeric , Roi (662-673) en Austrasie (673-675) tout le royaume

o       DagobertII, Roi (676-678)

o       Clovis II, Roi (638-656)

o       Clotaire III, Roi (651-670)

o       Childeric II d'Austrasie, Roi (670-673)

Nouveau partage :

o       Clotaire IV, Roi (715-719)

o       Chilperic II, Roi (715-719)

Carolingiens

 

Pépin Ier ,  maire du palais  (624-640)

Grimolad Ier, maire du palais  (643-662)

Pépin II,  maire du palais  (687-714)

Charles Martel,  maire du palais  (714-741)

Carloman,  maire du palais  (741-747)

Pépin le Bref, maire du palais  à partir de 741, Roi (751-768)

Carloman I,  roi  (768-771)

Charlemagne, roi  à partir de   768, Empereur (800-814)

Charles, roi  (800-811)

Louis le Pieux, Empereur (814-840)

Partage entre le fils de Louis

·        Lotharingie / Loherreigne / Francie médiane

o        Lothaire I ,  roi  (840-855)

·        Francie orientale

o       Louis le Germanique, roi  (840-876)

·        Francie occidentale

o       Charles le Chauve roi  à partir de 840, Empereur (875-877)

Dernier Carolingien :

·        Lotharingie 900

·        Francie orientale 911

·        Francie occidentale 987

 

 






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