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Meduantensis
Inscrit le: 13 May 2010 Messages: 40 Lieu: Rothomagi
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écrit le Wednesday 26 Jan 11, 22:38 |
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Depuis quelques jours je médite sur la possibilité que le français ait hérité d'une certaine manière de l'esprit du locatif en latin. Je suis probablement totalement à côté de la plaque, mais je veux au moins en avoir le cœur net.
Comme les latinistes le savent, le locatif en latin classique se présente, par convergence phonétique, de la même manière que le génitif (si on fait quelques approximations). Ce cas est utilisé en latin pour parler de la position de quelque chose dans une ville ou une petite île (je récite pour ainsi dire ma leçon).
Là où les choses deviennent intéressantes, c'est que cette distribution des lieux éligibles pour le locatif a quelques liens avec ce qu'on trouve en français. On ne dit pas "je suis dans Rome" ni "je suis en Rome", mais "je suis à Rome" (Rōmae sum). De même "je suis à la maison" (domī sum). Pour les îles, c'est moins vrai, mais on dit quand même "je suis à l'île Bidule". Là où le latin avait l'ablatif, le français peut avoir par exemple "je suis au théâtre", quand on parle de la fonction du bâtiment. Par contre, on dit "je suis en France" (in Francogalliā sum).
Je ne sais pas si cette construction est spécifique au français, mais je crois qu'en espagnol, ça n'existe pas, en tout cas.
Quand on sait qu'il y a confusion en latin entre le datif, le génitif et le locatif en ae, se pourrait-il qu'au cours de l'apparition du français, le datif ait d'une manière ou d'une autre absorbé les autres cas (encore qu'on trouve en ancien français l'ancien génitif, comme aujourd'hui par exemple dans "Pont-l'Évêque") et que ce phénomène ait contaminé les autres déclinaisons?
Ce que je proposerais, en d'autres termes, c'est que le locatif est absorbé par le génitif, lui-même absorbé par le datif pour la première déclinaison, avec un phénomène d'analogie pour la deuxième déclinaison, avec une construction du type "ad + nom", dont l'origine serait différente du déplacement (comme "eō Rōmam" => "vado ad Roma" qui devient "je vais à Rome")
Je suis bien conscient que c'est probablement n'importe quoi et avec de grosses approximations, mais pourrais-je avoir votre avis sur cette question? Il faut dire que je n'ai pas encore trouvé tellement d'infos sur l'évolution des cas du latin au français, hormis les cas sujet/cas régime. |
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Glossophile Animateur
Inscrit le: 21 May 2005 Messages: 2281
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écrit le Thursday 27 Jan 11, 16:17 |
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Le locatif ne subsiste en latin qu'à l'état de trace résiduelle.
Quelques noms de ville, exclusivement thématiques, et le trio humi, ruri, domi. J'avais bricolé une petite phrase mnémotechnique : « à la campagne, je dors par terre à la maison, ruri, domi, humi dormio. ». Quant aux petites îles, les Romains eux-mêmes ne suivaient pas la règle.
Effectivement le locatif a disparu, victime de son homonymie avec le génitif.
L'ablatif a pris le relais, et l'ablatif à son tour a disparu au profit de tournure prépositionnelles, selon l'évolution suivante, à la louche :
sens donné par l'ablatif + préposition précisant la nuance > sens donné par le groupe ablatif + préposition > sens donné par la préposition, ce qui est la situation du français contemporain.
Dernière édition par Glossophile le Friday 28 Jan 11, 1:24; édité 1 fois |
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hubertus
Inscrit le: 04 May 2009 Messages: 95 Lieu: Lutetia
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écrit le Thursday 27 Jan 11, 16:30 |
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et "oceano nox" : la nuit sur l'océan |
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Meduantensis
Inscrit le: 13 May 2010 Messages: 40 Lieu: Rothomagi
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écrit le Thursday 27 Jan 11, 17:44 |
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Donc, si l'expression "je suis à" + lieu n'a rien à voir avec le locatif, de quelle manière en est-on arrivé là, puisque le cas du français n'est pas une généralité?
Est-ce alors une contamination de "je vais à" + lieu? Après mûre réflexion, cela me semble plausible, je me suis peut-être trop pris la tête pour rien, en fait.
Pour une fois que le français aurait pu faire preuve de conservatisme! |
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Pharcie
Inscrit le: 19 Oct 2009 Messages: 29 Lieu: Région parisienne
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écrit le Friday 28 Jan 11, 11:20 |
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Meduantensis a écrit: | Donc, si l'expression "je suis à" + lieu n'a rien à voir avec le locatif, de quelle manière en est-on arrivé là, puisque le cas du français n'est pas une généralité?
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Bonjour,
C'est la même chose en italien. On utilise la préposition "a" pour les noms de ville.
Je trouve votre raisonnement un peu faussé :
En français comme en italien, il n'y a aucun moyen de distinguer par la syntaxe la fonction locative de la fonction directive. On emploie systématiquement les mêmes prépositions pour préciser le lieu d'une action, comme le lieu de la destination d'un déplacement.
En espagnol, cette confusion n'est pas aussi systématique.
S'il y a bien une langue qui a conservé l'esprit du locatif, c'est l'espagnol. |
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Meduantensis
Inscrit le: 13 May 2010 Messages: 40 Lieu: Rothomagi
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écrit le Friday 28 Jan 11, 12:23 |
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Pharcie a écrit: | Je trouve votre raisonnement un peu faussé : |
Effectivement, d'où l'ouverture de mon propos sur autre chose. N'ayant jamais appris l'italien, je ne connaissais pas la construction associée pour la localisation. Il est vrai que français (et italien, donc!) différencient destination et position grâce au verbe utilisé. L'espagnol fait la distinction par la préposition, ce qui est une construction en quelque sorte plus logique. Rien de neuf, en somme. |
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Horatius Animateur
Inscrit le: 11 Apr 2008 Messages: 695
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écrit le Friday 28 Jan 11, 14:43 |
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Cher monsieur,
Je vais tâcher de ne pas vous répondre "à côté", cette fois-ci...
Citation: | Est-ce alors une contamination de "je vais à" + lieu? |
Vous vous étonnez qu'en français, on utilise la même préposition "à" pour le lieu où l'on est et le lieu où l'on va ?
C'est ça ?
Il n'y a rien là d'étonnant. La confusion existait déjà en latin. Toutes les grammaires scolaires nous apprennent que, déjà à l'époque classique, la préposition "ad" (d'où provient le "à" français) n'implique aucune idée de mouvement lorsqu'elle désigne la proximité d'un lieu:
esse ad urbem : être aux environs de Rome
Même, très rapidement, "ad" a été utilisé pour le lieu où l'on est :
Déjà chez Cicéron : Senatus ad Apollinis fuit : le sénat tint séance au temple d'Apollon.
J'espère avoir répondu à votre question.
Cordialement |
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Meduantensis
Inscrit le: 13 May 2010 Messages: 40 Lieu: Rothomagi
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écrit le Friday 28 Jan 11, 16:30 |
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Je constate simplement un fait et je m'interroge ensuite sur ses causes en explorant des explications, il n'y a donc pas d'étonnement de ma part.
Par ailleurs, je suis fort loin d'une maîtrise parfaite du latin, pouvant tout au plus baragouiner quelques phrases en rapport avec un contexte donné (niveau première ou deuxième année de langue vivante, peut-être). En outre, je ne possède aucune grammaire "scolaire", j'apprends "sur le tas" en essayant de m'améliorer en piochant à gauche et à droite pour combler mes plus grosses lacunes.
Il n'y a dès lors rien d'étonnant à ce que je n'aie pas encore assimilé la formule "esse ad urbem", ne connaissant pour le moment que "esse prope urbem", même si votre proposition me semble a posteriori logique.
Excusez-moi donc de vous avoir fait perdre votre temps, car c'est le sentiment que j'ai.
Vale, optime Horati! |
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