Comment
évoluent les langues et comment analyse-t-on ces évolutions?
Etape 1
i)
Introduction :
Pourquoi parler de mutations consonantiques ? Comment comparer les langues ?
ii)
Que peut-on en déduire : filles ou sœurs ?
iii)
Faisons un peu de fiction
!
iv)
Conclusion
intermédiaire
v)
Passons à l'observation
!
vi)
Les mutations consonantiques
dans notre exemple italo-français
vii)
Les mutations vocaliques
dans l'exemple des langues latines
viii)
Adaptons nos
connaissances acquises au modèle germanique !
1) Introduction :
Pourquoi parler de mutations consonantiques ? Comment comparer les langues ?
Constatation de départ :
La majorité des langues parlées en
Europe proviennent d'une langue mère ou souche : l'indo-européen .
On ne connaît pas son vrai nom, mais
on lui a donné celui-là parce que tous les descendants de ce peuple d'origine
se sont établis dans des pays allant de
l'Inde à l'Europe occidentale il y a environ 5000 ans de cela. Il y a la branche indo-iranienne et la
branche européenne. Nous laisserons donc de côté nos cousins orientaux tout en
rappelant tout de même que linguistiquement, nous sommes plus proches des
Iraniens ou Afghans que des Hongrois ou
Finlandais installés sur le continent européen. Pour avoir une vue d'ensemble sur l'arbre généalogique des
langues indo-européennes, cliquez sur le lien ci-dessus.
(remonter)
En 5000 ans, toutes les langues ont forcément évolué, soit sous l'influence
d'une autre langue, soit de manière interne en fonction des événements
extérieurs, des modes par exemple. Le
premier réflexe des gens dans ce sujet consiste souvent à rechercher une langue
de référence dont les autres ne seraient que des dérivées ayant déformé la
langue souche.
En d'autres termes, on a tendance à
penser que les langues évoluent chronologiquement de mère en fille et non
parallèlement en tant que sœurs ou cousines suivant le cas ! On entend également le mot de
"mélange" qui est très parlant pour cette façon erronée de voir les
choses. Exemple : "le hollandais
est un mélange d'allemand et d'anglais" . Connaissez-vous un Français ou
quelqu'un qui s'amuseraient à prendre
des mots tantôt de l'italien et tantôt de l'espagnol ? Pour quelle raison le
feraient-ils ? Les Anglais et les Allemands ont-ils séjournés si longtemps
ensemble sur le sol hollandais que les habitants aient eu l'occasion de faire
ce mixage si curieux ?
Ou bien faut-il penser que Anglais,
Allemands du Nord et Hollandais viennent d'un même peuple parlant la même
langue ?
(remonter)
Vous vous posez certainement
la question de savoir pourquoi ils ne parlent toujours pas la même
langue aujourd'hui. Pour y répondre, on peut prendre des petits exemples :
§
Un Breton est muté en Provence pour des raisons
professionnelles ; cela lui plaît, il finit par se marier et crée sa famille
dans le midi. En même pas dix ans, il a pris l'accent chantant des méridionaux
et utilise des mots locaux. Ses enfants restent dans le midi. Que restera-t-il de l'accent breton initial
chez eux ? Très peu. Il est fort probable qu'ils aient encore des
mots isolés de leur père.
§
Un
Français se rend au Canada francophone ; il y épouse une anglophone et
vit au quotidien avec les deux langues. Parfois, il utilise en français un mot
anglais pour lequel il ne trouve pas d'équivalents spontanément. Parfois, il
donne une forme française à un mot anglais.
§
Un Bavarois travaille à Hambourg, son accent est reconnaissable, mais il ne
parle que l'allemand standard parce qu'il se sent bizarre de parler sa langue
dans un environnement différent. Depuis que ses parents sont décédés, il ne
revient quasiment plus en Bavière. Que restera-t-il de l'élément bavarois dans
la troisième génération restée à Hambourg?
Tous ces petits exemples montrent de
manière individuelle que l'homme est influençable, malléable suivant le milieu
dans lequel il se trouve. La tendance générale va vers l'assimilation
volontaire ou forcée. Le milieu culturel dominant l'emporte avec les
générations. Aujourd'hui, avec les techniques de communication modernes, on
peut conserver un lien avec sa culture d'origine plus facilement. Mais, si vous
reculez de 3000 ans, les populations
ignoraient souvent ce qu'il y avait à 200 km de chez eux. On était pas très mobile! On vivait donc dans son pays et l'on
développait sa langue en fonction de l'environnement spécifique.
Ainsi, si trois frères émigrent dans
un pays différent et loin l'un de
l'autre, il se peut que leur langue (s'ils arrivent à l'imposer dans la
communauté où ils se sont installés) ne soit plus identique au bout de la
troisième génération. Pourquoi ?
(remonter)
Si une
langue souche change, ce n'est pas par désir de la déformer ou d'en faire
autant de dialectes que de régions, c'est d'abord et avant tout un processus
complexe où interviennent de nombreux facteurs : la culture dominante, le
peuple d'origine avant l'arrivée d'une autre culture dominante, le milieu
géographique dans lequel évolue le peuple, le degré d'isolement par rapport aux
autres peuples, la fréquence des mixages interculturels etc… On ne déforme pas une langue pour le simple
fait de la déformer. Et de ce fait,
aucune langue n'est a priori moins élégante ou inférieure à une autre.
Chacune
est le fruit d'une évolution parallèle à ses langues sœurs même si, au hasard
de l'histoire, l'une d'entre elles finit par s'imposer sur les autres pour des
raisons politiques.
Sur 7
sœurs dans une famille, si l'une a fini par prendre l'ascendance sur les autres pour une raison ou pour une autre,
les 6 autres ne seraient-elles pas toujours leurs sœurs ? Si la dominante
devait décéder subitement, est-ce que les 6 sœurs continueraient-elles de vivre
à la manière de la défunte ?
Le
latin, par exemple, est la fille de la branche italique ; devenu dominant
pendant des siècles pour des raisons politiques, le latin se répand partout où
vivent d'autres peuples. Une fois l'empire romain écroulé, ces peuples parlent
"leur" latin pendant que le latin initial devient langue morte.
(remonter)
Combien
des mots italiens suivants comprenez-vous ?
osservare |
riduzione |
più |
erba |
attuale |
protezione |
piuma |
istórico |
affettato |
creazione |
pianta |
ereditare |
concetto |
comparazione |
pianeta |
Enrico |
conduttore |
rappresentazione |
piatto |
eroe |
Nous
supposons que, comme nous, vous avez identifié au moins la moitié des mots et
que la colonne qui vous a posé le plus de problèmes était la troisième, du
moins vous avez dû chercher un peu plus intensément à quoi cela pouvait faire
référence en français.
2
enseignements peuvent être tirés de votre observation :
(remonter)
En
observant les colonnes, on s'aperçoit que les mots ont subi le même type de
changement. Et sans faire de travail étymologique avec le latin, l'observateur
attentif va se fixer les règles suivantes :
Français |
Italien |
2
consonnes différentes ensemble |
redoublement
de la 2ème consonne |
la
finale –tion et parfois –ction ou
-son |
la
finale -zione |
le i
derrière un p |
le L
derrière un p |
pas
de H |
maintien
du H |
osservare à observer attuale à actuel
affettato à affecté concetto à concept
conduttore
à conducteur
riduzione à réduction protezione à protection creazione
à création
comparazione à comparaison rappresentazioneà représentation
più à plus piuma à plume pianta à plante pianeta à planète piatto à plat
erba à herbe istórico à historique ereditare à héréditaire Enrico -->
Henry eroe --> héros
En
faisant cela, vous commencez à faire une analyse plus scientifique de la
langue. Vous comprenez qu'à un moment donné ou à un autre, des personnes de
même souche ont fini par prononcer un même son initial de deux manières
différentes et pour les multiples
raisons évoquées plus haut.
"Mais pourquoi ? " allez-vous encore nous demander ?
1)
Soit
vous revenez à la fiction plus haut quand on a parlé de l'Anglais ou du Russe
2)
Soit
vous nous écrivez pour nous dire pourquoi vous dites parfois : "chais pas" au lieu de "je
ne sais pas " ? Ou encore
faites-vous la différence dans la prononciation des mots "brin" et
"brun" dans "un ours brun" et "un brin d'herbe" ?
Si
vous ne trouvez pas la réponse, vous pouvez alors vous imaginer quelles
difficultés peuvent rencontrer les chercheurs qui travaillent sur des langues
mortes depuis plus de 4000 ans !
Pour
s'accrocher à quelque chose, les linguistes ont utilisé ces périodes de mutations
de sons même s'ils ne savent pas toujours pourquoi elles ont eu lieu.
(remonter)
En LCR
des pays mosellans, on vous parlera surtout des mutations consonantiques parce
qu'elles sont utiles pour dégager les familles de dialectes. Mais il y a eu
aussi des mutations vocaliques !
Observez
ces mots :
Espagnol |
Italien |
Corse |
el
tiempo |
il
tempo |
lu
tempu |
el
viento |
il
vento |
lu
ventu |
On
reconnaît le squelette : TMP et VNT ; la seule chose qui différencie ces trois langues latines sont les voyelles.
On croire comprendre que le corse privilégie le U au O et que l'espagnol
apprécie la diphtongue IE au lieu de E.
Faisons
la même observation avec les deux langues suivantes :
Allemand |
Néerlandais |
besprechen |
bespreken |
kochen |
koken |
Milch |
melk |
Dampf |
damp |
laufen |
lopen |
Pferd |
paard |
kurz |
kort |
zehn |
tien |
Zoll |
tol |
Fuß |
foet |
Faites
la même chose que pour les mots italiens ! Essayez de faire un tableau où il y
aurait une analyse des consonnes (uniquement des consonnes !) entre l'allemand et le néerlandais pour
décoder l'un à partir de l'autre et vice versa.
Pour
avoir la réponse, cliquez sur ce lien : réponse
(remonter)