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Elizabeth :

Oldy but goldy lady (1)


 

No Sir, il ne s'agit pas de « her majesty the queen ». Elizabeth, avec un Z, please, est un narrow-boat qui a vu le jour sous le règne de la Reine… Victoria, ce qui suffit déjà en soi à en faire une unité exceptionnelle.

Elizabeth à Nemours

Elizabeth (à droite sur la photo) passe l'écluse des Buttes, à Nemours, en compagnie d'une autre narrow-boat. Nous sommes en septembre 2001..

1880. Telle est en effet la date de naissance d 'Elizabeth à propos de qui, à l'instar de son propriétaire Jimmy MacDonald, nous emploierons le genre féminin. En 2006, elle termine donc sa 126ème année de bons et loyaux services ce qui lui confère le titre de plus ancien narrow-boat encore sur l'eau.

Une infatigable lady

… Et ce n'est certainement pas fini, car Jimmy ne compte pas ses efforts pour entretenir cette old lady dont il est amoureux, et ne se prive pas de la balader partout. On a pu ainsi admirer longtemps Elizabeth sur les voies d'eau britanniques, of course, et puis récemment sur le continent : au cours de la seule année 2001, tous deux affichaient fièrement 5000 km et 1200 écluses en France, Belgique, Allemagne et Luxembourg ! Il est vraisemblable qu’au cours de sa carrière, cette increvable Elizabeth a ainsi parcouru l'équivalent de plusieurs tours du monde.

Elizabeth à Nemours,2

Les deux mêmes bateaux, au même endroit, vus de l'arrière.

Qu'est-ce qu'un « narrow-boat » ?

Ils sont des milliers au Royaume Uni, et depuis plusieurs années colonisent progressivement et pacifiquement le continent et notamment nos canaux français où ils sont particulièrement admirés. Il faut dire que leur charme typically british est irrésistible. Ces « bateaux étroits », larges de 2,10 m et longs de 21 m maximum (7 pieds sur 70), portant environ 30 tonnes, sont nés outre-manche vers la fin du XVIIIe siècle sur le réseau aux ramifications innombrables des tout petits canaux industriels de la laborieuse Albion de Dickens. Leur activité commerciale s’est éteinte vers 1970, mais les chantiers ont continué à en fabriquer par centaines, aménagés directement pour la plaisance, en conservant leur silhouette caractéristique et leur barre franche traditionnelle. Le peuple britannique possède en effet une solide culture nautique, totalement dénuée de cet ostracisme bien français entre eau douce et eau salée. Ce principe d'un petit gabarit peu cher à la construction et donc facile à généraliser a engendré en France les canaux de Berry, de la Sauldre, de l'Arroux et de l'Ourcq. Nos « berrichons » sont donc des « french-narrow-boats ».

Elizabeth in écluse

Elizabeth a laissé filer son compatriote, pour se laisser admirer seule dans l'écluse des Buttes.
Remarquer la déco typically british de l'accès arrière.

Une rencontre

Justement, en ce jour ensoleillé de septembre 2001, Elizabeth va en rencontrer un, de ses cousins continentaux. Nous sommes à Nemours et Jimmy, venant de la vallée de la Loire, descend sur la Seine et Paris. Le berrichon en question n'est autre que le bureau-logement de l'auteur de ces lignes et avec Jimmy, ravi de rencontrer ce type de bateau devenu bien rare, le courant passe immédiatement. L'écluse des Buttes reste ainsi occupée presque une heure, le temps de se montrer des photos anciennes, de s'échanger adresses et téléphones, et finalement de se donner rendez-vous le soir-même à Moret, autour d’un curry de boeuf et poisson préparé à bord par le capitaine lui-même.

Jimmy à la cuisine

Qui prétend que les Britanniques ne sont pas gastronomes ?...

Elizabeth nous reçoit

Si elle a les dimensions et la silhouette générale classique du narrow-boat, Elizabeth a des formes sensiblement différentes de ses congénères, qui la caractérisent immédiatement. Ses superstructures en escalier lui donnent notamment une allure bien particulière. Cependant, sa décoration extérieure est bien typique avec ses lettres ouvragées et ses ustensiles peints de motifs traditionnels comme fleurs ou châteaux. Sans oublier l'Union Jack flottant fièrement au vent sur le timon de la barre franche.
L'on accède à l'intérieur de ce sweet home flottant par le côté arrière gauche. Un « hautement prestigieux » (dixit Jimmy) moteur Gardner 2LW rutilant accueille le visiteur qui jette un coup d'oeil admiratif à droite en descendant. Avant lui Elizabeth a connu la traction animale avant de recevoir un Thorneycroft Handy Billy 9 HP puis un moteur hollandais à paraffine de pétrole basé sur un modèle Ford de camion. Les amateurs apprécieront.

Jimmy à la bouteille

...ni amateurs de bons crus ?

Son histoire

Quand elle sort du chantier en 1880, Elizabeth appartient à une des plus importantes compagnies minières d'Angleterre, Fellows Morton & Clayton, et sert au transport de coke dans la région de Birmingham, là où le réseau britannique est le plus dense. Puis en 1928 elle est vendue à la compagnie de carrières de Robert Teal. Vers 1935 cesse son exploitation commerciale et l'année suivante, raccourcie de 3 mètres, elle est reconvertie en bateau de plaisance, sous l'aspect qu'aujourd'hui nous lui connaissons. Jimmy l'acquiert en 1966 et lui fait découvrir toutes les voies d'eau britanniques avant de lui faire traverser le Channel, offrant à son étrave plus que centenaire les eaux du continent qu'il connaît déjà pour les avoir parcourues sur d'autres bateaux.

Jimmy au piano 1

Entre nous, franchement, s'imagine-t-on être est dans même pas deux mètres de large ?

La visite continue

Comme celui de tous les narrow-boats, l'intérieur d'Elizabeth se présente inévitablement comme un long corridor plus ou moins cloisonné, mais des astuces d'aménagement atténuent cette impression de couloir qui pourrait être étouffante. C'est douillet, chaleureux dans tous les sens du terme, cosy. Sur les parois sont accrochées des étagères remplies de bibelots et diverses décorations, comme des assiettes peintes ou des tableaux. Détail pas anodin, ceux-ci représentent des pertuis ("staunch(es)" ou "flashlock(s)") sur des rivières anglaises : nous sommes chez un véritable passionné de la voie d'eau et de son patrimoine. On ne s'étonnera pas de trouver en un tel lieu une bibliothèque fluviale bien remplie. Un poêle à bois diffuse une douce chaleur auprès du piano, car Jimmy, ingénieur de son état, est un fin mélomane et ne dédaigne pas de taquiner la double-croche et le contre-point au clavier, mais également au banjo à quatre cordes. Narrow-boat, donc narrow-piano : celui-ci n’a que cinq octaves au lieu des sept habituelles ! Tout à fait à l'avant, Jimmy s'est offert le luxe d’aménager une salle de bain avec une vraie baignoire, ceci dans à peine deux mètres de large, ne l'oublions pas.

Jimmu au piano 2

Narrow boat, donc narrow piano : Jimmy joue les Capitaine Némo (2) en se contentant de cinq octaves !


L'éclairage à lui seul est bien révélateur de ce goût du patrimoine propre aux Britanniques. Les batteries fournissent la majeure partie de la lumière, que l'on complète avec quelques bougies soigneusement disposées, et notamment sur le piano, of course. Le fin du fin consiste en deux becs de gaz dont un, très ancien, a demandé à Jimmy des trésors de patience pour le restaurer parfaitement. On imagine le soin que demande l'articulation du bras pour éviter toute fuite et l'on pense inévitablement au gag récurrent du bec de gaz dans « Le Tour du Monde en quatre-vingt Jours » de Jules Verne dont le héros aurait pu s'appeler Jimmy MacDonald plutôt que Philéas Fogg.

Jimmt au piano 3

Ah ! Si on avait le son ! Remarquer à droite le bec de gaz dont la restauration a demandé des heures de patience à Jimmy.
Les trophés au murs ne sont pas des prix agricoles, mais des médailles de participation à différents rassemblements de bateaux.

À table !

Si ce dernier a ramené des Indes une compagne, Jimmy, comme ses compatriotes, a gardé du souvenir de la colonisation de ce continent un fort penchant pour le curry. C'est ce mets, devenu plat traditionnel britannique, que, également virtuose du piano de la cuisine comme de l'autre, il nous invite à déguster. Aussi tous les quatre (Jimmy a convié une amie à partager sa navigation) nous retrouvons-nous autour de la petite table recouverte de casseroles et autres sauteuses en cuivre dans lesquelles barbotent joyeusement des morceaux de boeuf et poisson, des lentilles et bien sûr du riz, le tout copieusement assaisonné de sauce au curry. Au cours de la conversation, dans un mélange d'anglais, de français et de gestes, Jimmy nous raconte ses voyages et l'histoire d'Elizabeth, et nous apprend que les propriétaires de narrow-boats sont regroupés en associations (Narrow-boats Owners Association). Nous imaginons que cela doit représenter pas mal de monde, vu le nombre important de ces bateaux sur les canaux d'outre-Manche. Une association similaire en France, de possesseurs de berrichons par exemple, aurait bien du mal à se constituer seulement un conseil d'administration !

Salle de bain

La salle de bain de Elizabeth. Nous sommes ici tout à l'avant dont on reconnaît les formes rétrécies.
Cosy, isn't it ?

See you soon, Mister Jimmy  !

Un narrow-boat est un raccourci flottant de tout ce que le Royaume-Uni a de meilleur, et notamment cette convivialité, faite de chaleur et de délicatesse, bien propre à ce peuple pas comme les autres. Les Britanniques apprécient tellement notre pays que depuis Castillon-la-Bataille (1453) (3), ils reviennent régulièrement. Un peuple qui a engendré pêle-mêle William Turner, les Beatles, Shakespeare, Kate Bush, John Constable et Pink Floyd, et aime tant la navigation, ne peut pas être totalement mauvais. Aussi, les voir envahir nos canaux avec leurs étonnants bateaux ne peut que nous ravir, et Jimmy MacDonald, qui vit avec son Elizabeth une belle love-story, est un de leurs meilleurs ambassadeurs. Welcome aboard !  

(1)... hum, pas sûr que ce soit très correct comme tournure... Mais ça sonne bien !
(2) Cette comparaison est-elle de bon goût ? Le Capitaine Némo vouait une haine farouche aux sujets de sa Gracieuse Majesté...
(3) Mais depuis 1066 et Hastings, ne sont-ils pas en fait des Français qui reviennent au pays ?   


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